Centre Bouddhique International

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Revue 2020

   #12 - Le Bouddha à propos du soit-disant

Dieu créateur 

 

 

 

 

« Inconcevable est le commencement, Ô disciples, de cette errance. Le point originel de cette course, de cette errance, des êtres, masqué par l’ignorance, lié par le désir impérieux, n’est point révélé. »
-Samyutta Nikâya.
 
L’équivalent Pâli pour le Dieu créateur des autres religions est soit Issara (Sanskrit-Ishvara) ou bien Brahmâ.
     A plusieurs occasions le Bouddha nia l’existence d’une âme permanente (attâ). Concernant le fait qu’il nia l’existence d’un Dieu créateur, il n’existe que quelques références à ce sujet. Le Bouddha n’accepta jamais l’existence d’un Créateur que ce soit en tant que force ou en tant qu’être.  

 

     Malgré le fait que le Bouddha n’éleva point de divinité surnaturelle au-dessus de l’homme, quelques érudits affirment que le Bouddha était caractéristiquement silencieux sur cette question importante et controversée. Les citations suivantes indiqueront clairement le point de vue du Bouddha au sujet du concept d’un Dieu créateur.

  

     Dans le Anguttara Nikâya le Bouddha parle de trois vues divergentes qui prévalaient à son époque. Une d’entre elles était : « Quels que soient la sensation neutre, le bonheur ou la douleur que cette personne expérimente, tout cela est dû à la création d’une déité suprême. »
 
     *1 - D’après cette vue nous sommes ce que le Créateur souhaitait que nous soyons. Nos destinées demeurent entièrement entre ses mains. Notre destinée est prédestinée par lui. Le libre arbitre supposé et accordé à sa création est évidemment faux.

 

     Critiquant cette vue fataliste dans le Devadaha Sutta, le Bouddha dit : « Ainsi donc, en raison de la création d’une déité suprême les hommes deviendront des meurtriers, des voleurs, des êtres incontinents, des menteurs, des calomniateurs, des bavards proférant des injures, avides, malicieux et aux vues perverses. Ainsi pour ceux qui se confinent à la création d’un Dieu comme la raison essentielle de tout ce qui vit, il n’existe ni désir, ni effort, ni nécessité de produire cet acte ou de s’abstenir de cet acte.
 
     *2 - Dans le Devadaha Sutta*3 le Bouddha, se référant à la mortification des ascètes nus, remarque : « Si, Ô Bhikkhus, les êtres expérimentent la souffrance et le bonheur en tant que fruit de la création de Dieu, alors certainement ces ascètes nus doivent avoir été créés par un Dieu méchant, car ils souffrent d’une douleur terrible.

 

     Le Kevaddha Sutta narre une conversation pleine d’humour qui eut lieu entre un Bhikkhu curieux et le supposé créateur.

 

     Un Bhikkhu, désireux de connaître la fin ultime des éléments, approcha Mahâ Brahmâ et le questionna ainsi :
     « Où, mon ami, les quatre grands éléments-la terre, l’eau, le feu et l’air-cessent-ils, laissant aucune trace derrière eux ? » A ceci, le grand Brahmâ répondit : « Moi-même, frère, je suis Brahmâ, le grand Brahmâ, l’Être suprême, le Sans égal, le Maître, le Victorieux, le Régent, le  Père de tous les êtres qui ont vécu et qui vivront. »

 

     Pour la seconde fois le Bhikkhu répéta sa question, et le grand Brahmâ apporta la même réponse dogmatique.

 

     Quand le Bhikkhu le questionna pour la troisième fois, le grand Brahmâ prit le Bhikkhu par le bras, l’amena sur le côté, et fit la remarque franche suivante :
     « Ô frère, ces dieux qui constituent ma suite croient en la chose suivante : « Brahmâ voit toutes choses, connaît toutes choses, a pénétré toutes choses. Je ne sais pas, Ô frère, où ces quatre grands éléments-terre, eau, feu et air-cessent, ne laissant rien derrière eux. Par conséquent ce fut un méfait et un crime, Ô frère, que tu quittas le Bienheureux, et te rendit ailleurs en quête d’une réponse à cette question. Reviens sur tes pas, Ô frère, et t’étant rapproché du Bienheureux, pose lui cette question, et aie confiance en ce que le Bienheureux t’expliquera. »

 

     Revenant à l’origine de Mahâ Brahmâ, le soi-disant Dieu créateur, le Bouddha commente dans le Pâtika Sutta :
 
     *4 - « A propos de ceci, Ô disciples, cet être qui naquit le premier (dans une nouvelle évolution du monde) pense de la manière suivante : « Je suis Brahmâ, le grand Brahmâ, le Vainqueur, celui qui voit toutes choses, le Broyeur, le Seigneur, le Faiseur, le Créateur, le Maître, l’Adjudicateur, le Maître de lui-même, le Père de tout ce qui est et de tout ce qui sera.
     
     Par moi tous ces êtres sont créés. Et pourquoi en est-il ainsi ? A une époque de jadis, je pensai : Puissent d’autres êtres atteindre aussi cet état de l’être ! Telle fut l’aspiration de mon esprit, et donc ! Ces êtres vinrent à l’existence. »

 

     « Et ces êtres eux-mêmes, qui apparurent après lui, ils pensèrent aussi ainsi : « Cet être digne doit être Brahmâ, le grand Brahmâ, le Vainqueur, celui qui voit toutes choses, le Broyeur, le Seigneur, le Faiseur, le Créateur, le Maître, l’Adjudicateur, le Maître de moi-même, le Père de tout ce qui est et de tout ce qui sera. »

 

     Sur ce, Ô disciples, cet être qui apparut le premier eut une vie plus longue, de plus belle apparence, et plus puissant, mais ceux qui apparurent après lui eurent une vie plus courte, ils furent moins beaux et moins puissants. Et il se peut très bien, Ô disciples, que quelque autre être, décédant de cet état, se manifesterait dans cette vie terrestre et abandonnerait la vie de maître de maison pour la vie d’errance sans domicile.
 
     Et ayant ainsi tout quitté, en raison de son ardeur, son effort, sa dévotion, sa sincérité, son intellection parfaite, il réalise un tel état de concentration intense qu’avec un esprit très aiguisé il se souvient de ses demeures antérieures, mais non de ce qui se produisit antérieurement.
 
     Ainsi il dit : « Ce Brahmâ digne de vénération, le Vainqueur, celui qui voit toutes choses, le Broyeur, le Seigneur, le Faiseur, le Créateur, le Maître, l’Adjudicateur, le Maître de moi-même, le Père de tout ce qui est et de tout ce qui sera, celui par qui nous avons été créés, il est permanent, constant, éternel, non-changeant, et il demeurera ainsi pour toujours et à jamais. Mais nous qui avons été créés par ce Brahmâ, nous sommes venus ici en tant qu’êtres impermanents, transitoires, instables, ayant une vie courte, destinés à trépasser. »

 

     « Ainsi fut scellé le commencement de toutes choses, que, vous Messieurs, vous déclarez comme étant votre doctrine traditionnelle, selon laquelle ce commencement a été provoqué par un Seigneur suprême, par Brahmâ. »

 

     Dans le Bhûridatta Jâtaka
     *5 (N°543), le Bodhisatta s’interroge au sujet de la justice divine supposée du créateur comme suit :-
   « Celui qui a des yeux peut contempler la vision écœurante,
   Pourquoi Brahmâ ne rend-il pas les créatures justes ?
   Si son pouvoir étendu ne se confine à aucune limite,
   Pourquoi sa main accorde-t-elle si rarement des bénédictions ?
   Pourquoi est-ce que toutes ses créatures sont condamnées à souffrir ?
   Pourquoi ne leur accorde-t-il pas le bonheur ?
   Pourquoi la fraude, les mensonges et l’ignorance prévalent-ils ?
   Pourquoi la fausseté triomphe-t-elle, pourquoi la vérité et la justice échouent-elles ?
   Je considère que votre Brahmâ est injuste,
   Pour avoir créé un monde dans lequel on ne peut prendre refuge. »

 

     Réfutant la théorie selon laquelle toutes choses sont la création d’un être suprême, le Bodhisatta déclare dans le Mâhabodhi Jâtaka (N°528)
 
     *6 :« S’il existe quelque Seigneur tout Puissant qui accorde
   A chaque créature la félicité ou le malheur, les bonnes ou mauvaises actions ;
Ce Seigneur est souillé par le péché. L’homme ne fait qu’accomplir sa volonté. »
Notes :
   *1 Anguttara Nikâya, I, page 174. Les paroles de ceux dont l’esprit s’accordent à l’unisson, I, p.158.
   *2 Majjhima Nikâya, II, 101, p.222.
   *3 Dîgha Nikâya, I, 11, p.221
   *4 Dîgha Nikâya, III, 24, p.29; Dialogues of the Buddha (Dialogues du Bouddha) III, pp. 26, 27.
   *5 Jâtaka Stories (Histoires de Jâtaka), VI, p.110.
   *6 Ibid, V, p.122

 

 

 

 

 

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 Samadhi Bouddha Statue - Anuradhapura - Sri Lanka  IV-Ve Siècle