#5 - La dette du monde au Bouddha
CONDAMNATION DU SUICIDE
-Vénérable Nâgasena ! Le Bienheureux a dit ceci :
« Bhiksus, que personne ne se détruise soi-même ; quiconque se détruirait lui-même doit être jugé selon la loi. »
Mais d’un autre côté, ô Bhiksus, vous dites : « Quand le Bienheureux enseignait la Doctrine à ses disciples, il enseignait de bien des façons différentes à supprimer la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort. Et, en vérité, si quelqu’un supprimait la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort, il l’en louerait de la façon la plus vive. »
Si, Vénérable Nâgasena, le Bienheureux a dit cette parole, certainement ce fut une erreur de dire qu’il enseignait à supprimer la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort. S’il l’a enseigné, alors certainement, ce fut une erreur d’avoir dit cette parole.
Voilà un autre dilemme que tu as à résoudre.
« Le Bienheureux, Sire, a dit cette parole. Et quand le Bienheureux enseignait la Doctrine à ses disciples, il enseignait de bien des façons différentes à supprimer la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort. Mais il y avait une raison à cette interdiction, et une raison aussi à cette exhortation du Bienheureux.
-Quelles étaient-elles donc…, Vénérable Nâgasena ?
-L’homme vertueux et de bonne conduite, Sire, est semblable à un remède destructeur du poison de la corruption humaine ; telle une herbe salutaire apaisant la maladie de la corruption humaine ; semblable à l’eau, qui balaye la malpropreté et les souillures de la corruption humaine ; semblable au joyau magique qui donne toute bonne fortune aux hommes ; semblable au navire franchissant, jusqu’aux autres rives, les quatre torrents des vices humains ; semblable au chef de caravane qui conduit ses hommes par le désert de la naissance ; tel le vent qui apaise chez l’homme la brûlure de la triple fièvre ; tel un grand nuage qui remplit les vœux de l’homme ; tel un Maître, qui exerce les hommes à acquérir du mérite ; et tel un précepteur habile qui montre aux hommes le chemin de paix.
C’était, Sire, pour que l’homme vertueux, dont les bonnes qualités sont ainsi variées, ainsi nombreuses, ainsi infiniment multipliées, qui est une telle incarnation et un tel agrégat de bonnes qualités, une telle source de bienfaits pour l’humanité, ne puisse périr, que le Bienheureux, Sire, pris de compassion pour elle, a émis ce précepte :
« Bhiksus, que personne ne se détruise soi-même ; quiconque se détruirait lui-même doit être jugé selon la Loi. »
Ce fut là, Sire, la raison de cette interdiction du Bienheureux.
En outre, Sire, voici ce qui fut dit par le brillant prédicateur, le sage Kumâra-Kassapa, dans l’exposition du monde futur telle qu’il la fit au prince Pâyâsi : « D’autant plus longtemps, ô prince,vivent les moines vertueux et nobles et les Brahmanes, d’autant mieux agissent-ils pour le bien-être de la multitude, pour le bonheur de la multitude, pour répandre leur pitié sur le monde, et pour l’avantage, le bien-être et le bonheur des dieux et des hommes. »
-Mais quelle fut la raison de l’exhortation du Bienheureux ?
-Sire, naissance, c’est misère ; vieillesse, c’est misère ; peines, c’est misère ; lamentations, c’est misère ; misère, c’est misère ; chagrin, c’est misère ; réunion avec ceux que nous n’aimons pas, c’est misère ; séparation d’avec qui nous aime, c’est misère ; la mort d’une mère…, d’un père…, d’un frère…, d’une sœur…, d’un fils…, d’une épouse…, d’un parent… ; les malheurs qui arrivent à un parent, c’est misère ; la perte de la santé…, de la richesse…, de la réputation…, de l’orthodoxie, c’est misère ; encourir le courroux du roi… ; avoir à craindre les bandits, les ennemis, la famine, le feu, la noyade, les vagues, les rapides, les crocodiles, les monstres de la mer, c’est misère ; se condamner soi-même… ; être condamné par les autres… ; encourir l’amende… ; pauvreté… ; le tract des acteurs… ; avoir à craindre les ascètes nus… ; être en danger de mort… ; recevoir des coups de rotin, de fouet, de verge… ; avoir les mains, les pieds, ou les mains et les pieds coupés… ; avoir les oreilles, le nez, ou les oreilles et le nez coupé… ; le « chaudron de gruau », la « tonsure en coquillage », la « gueule de Râhu », la « couronne de flammes », les « mains en flammes », les « feuilles d’herbe », le « hameçon », les « pièces coupées », la « sculpture aux acides », le « pivot », le « traversin de paille »*, ces misères ; être échaudé à l’huile bouillante… ; être dévoré par les chiens… ; être empalé vivant… ; être décapité, c’est misère. Telles, telles, Sire, sont les diverses et multiples misères que l’on rencontre lors de la renaissance.
Telle, Sire, l’eau du Gange, après s’être précipitée des monts Himâlaya, rencontre sur la route des pierres, des graviers, des abîmes, des tourbillons, des obstacles, des entraves, des racines et des branches, tels les hommes, Sire, rencontrent des misères diverses et multiples au cours de leur renaissance.
L’existence, Sire, c’est misère ; la non-existence, c’est le bonheur ; et c’est pourquoi, Sire, alors que le Bienheureux expliquait l’excellence de la non-existence et l’épouvante de l’existence, il nous a exhortés à réaliser la non-existence en domptant la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort.
Ce fut là, Sire, la raison de l’exhortation du Bienheureux.
-Fort bien, Vénérable Nâgasena. La difficulté a été bien résolue ; l’explication habilement présentée. Je t’accorde qu’il en est ainsi. (Milindapânha, 195, trad. WARREN, Buddhism in translations, 1896, p.436.)
Niyama Dharma dans le Bouddhisme
Conformément au Bouddhisme, il existe cinq ordres ou procédés (niyama) qui opèrent dans les royaumes physiques et mentaux.
Ils sont :
Utu Niyama – l'ordre physique non-organique, les phénomènes saisonniers des vents et des pluies. L'ordre infaillible des saisons, les changements et évènements saisonniers caractéristiques, les causes des vents et des pluies, la nature des chaleurs, etc., tous appartiennent à ce groupe.
Bija Niyama – l'ordre des germes et des semences (l'ordre physique organique), par exemple du riz produit à partir de semences de riz, le goût sucré de la canne à sucre ou du miel, les caractéristiques spécifiques de certains fruits, etc. La théorie scientifique des cellules et des gènes et la similitude physique des jumeaux pourraient être attribuées à cet ordre.
Karma Niyama - l'ordre de l'action et de ses fruits, par exemple les actions désirables et indésirables produisent des résultats bons et mauvais correspondants. Aussi surement que l'eau tend vers son niveau propre, alors aussi le Karma, quand l'opportunité lui est donnée, produit ses résultats inévitables, non sous la forme d'une récompense ou d'une punition, mais en tant que séquence innée. Cette séquence d'action et d'effet est aussi naturelle et nécessaire que les voies empruntées par le soleil et la lune.
Dhamma Niyama - l'ordre de la norme, par exemple le phénomène naturel se manifestant sous la forme de l'avènement d'un Bodhisattva lors de sa dernière naissance. La gravitation et les autres lois de la nature similaires. La raison naturelle pour laquelle certains êtres sont bons et ainsi de suite, pourrait être incluse dans ce groupe.
Citta Niyama - l'ordre ou l'esprit ou les lois de la psyché, par exemple les procédés de la conscience, l'apparition et la dissolution de la conscience, les constituants de la conscience, le pouvoir de l'esprit, etc., incluant la télépathie, le phénomène rétro-cognitif, la prémonition, la clairvoyance, la clairaudience, la lecture des pensées et tous les autres phénomènes psychiques qui demeurent inexpliqués par la science moderne.
Quelle est l’origine de la vie ?
« Inconcevable est le commencement, Ô disciples, de cette errance. Le point originel de cette course, de cette errance, des êtres, masqué dans l’ignorance, lié par le désir impérieux, n’est point révélé »
-Samyutta Nikâya.
La renaissance, que les Bouddhistes ne considèrent pas seulement comme une simple théorie, mais comme un fait vérifiable grâce à des preuves, forme un principe fondamental du Bouddhisme, bien que son but, le Nibbâna, soit réalisable dans cette vie même. L’idéal du Bodhisatta et la doctrine corrélative de la liberté de réaliser la perfection complète sont basés sur cette doctrine de la renaissance.
Des traces scripturaires démontrent que cette croyance dans la renaissance, conçue comme la transmigration ou la réincarnation, fut acceptée par des philosophes, tels que Pythagore et Platon, des poètes comme Shelley, Tennyson et Wordsworth, et de nombreuses personnes ordinaires en Orient aussi bien qu’en Occident.
La doctrine bouddhique de la renaissance devrait être différenciée de la théorie de la transmigration ou de la réincarnation des autres systèmes, car le Bouddhisme nie l’existence d’une âme permanente qui transmigre, créée par Dieu, ou émanant du Paramâtma (Âme ultime ou essence divine).
C’est le kamma qui conditionne les renaissances. Le kamma passé conditionne la naissance présente ; et le kamma présent, se combinant avec le kamma passé, conditionne le futur.
Le présent est la progéniture du passé, et il devient, à son tour, le parent du futur.
La réalité des besoins présents n’a pas besoin de preuves, car elle est évidente en elle-même. Celle du passé est basée sur la mémoire et les rapports, et celle du futur sur la prévoyance et sur l’inférence.
Si nous postulons une vie passée, présente ou future, alors nous devons faire face au problème- « Quelle est l’origine ultime de la vie ? »
Une école, en cherchant à résoudre le problème, postule l’existence d’une cause première, que ce soit une force cosmique ou un être tout-puissant. Une autre école nie l’existence d’une cause première, car dans l’expérience commune, la cause devient toujours l’effet et l’effet devient la cause. Dans un cycle de causes et d’effets, une cause première est inconcevable. D’après la première, la vie a eu un commencement, d’après la deuxième, elle est sans commencement. D’après l’opinion de certains, la conception d’une cause première est aussi ridicule qu’affirmer qu’un triangle est rond.
L’on pourrait arguer que la vie doit avoir un commencement dans un passé presque sans fin et que ce commencement ou la cause première est le créateur.
Dans ce cas il n’existe point de raison pour que la même question ne soit pas posée à propos de ce créateur dont on postule l’existence.
Concernant cette supposée cause première, les hommes ont souscrit à des vues d’une grande diversité. En interprétant la cause première, Paramâtma, Brahmâ, Ishvara, Jehovah, Dieu, le Tout-puissant, Allah, l’Être Suprême, le Père céleste, le Créateur, la Loi du ciel, la force motrice, la cause sans cause, l’Essence divine, le Hasard, la Prakriti (nature), Pradhâna, sont des termes significatifs employés par certains maîtres religieux et philosophes.
L’Hindouisme attribue l’origine de la vie à un mystique Paramâtmâ duquel émane chaque Âtman, ou Âme qui transmigre d’une existence à l’autre avant d’être finalement réabsorbée dans le Paramâtmâ. L’on devrait se poser la question s’il existe oui ou non pour ces Âtman réabsorbés la possibilité d’une future transmigration.
Le Christianisme, en admettant la possibilité d’une origine ultime, relie toutes choses au décret d’un Dieu Tout-Puissant.
« Quiconque », comme Schopenhauer le dit, « se considère comme étant sorti du néant doit aussi penser qu’il deviendra aussi le néant, car le fait qu’une éternité se soit déroulée avant qu’il ne vienne à l’existence et qu’une seconde éternité commencera, par laquelle il ne cessera jamais d’être, une telle idée est monstrueuse. ».
« De plus, si la naissance est le commencement absolu, alors la mort doit être la fin absolue ; et la supposition que l’homme est créé à partir de rien, conduit nécessairement à la supposition que la mort est la fin absolue. »
« D’après les principes théologiques, » argue Spencer Lewis, « l’homme est créé arbitrairement et contre sa volonté, et au moment de la création il est soit béni soit damné, noble ou dépravé, depuis le premier stade dans le processus de sa création physique jusqu’au moment de son dernier souffle, sans qu’il soit tenu compte de ses désirs individuels, ses espoirs, ses ambitions, ses luttes ou prières dévotes. Tel est le fatalisme théologique.
« La doctrine selon laquelle tous les hommes sont pécheurs et sont assujettis au péché d’Adam est un défi lancé à la justice omnipotente, la miséricorde et l’amour. »
Huxley dit : « Si nous devons supposer que quelqu'un a à dessein mis ce merveilleux univers en branle, il est parfaitement clair pour moi qu’il n’est plus entièrement bienveillant et juste, dans le sens intelligible de ces deux mots, mais plutôt malveillant et injuste. »
D’après Einstein : « Si cet être (Dieu) est omnipotent, alors tout évènement, incluant toute action humaine, toute pensée humaine, et tous sentiments et aspirations humains sont aussi son œuvre ; comment est-il possible de penser rendre les hommes responsables de leurs actions et de leurs pensées face à un tel Être Tout-Puissant ?
« En attribuant des punitions et des récompenses, il se jugerait lui-même jusqu’à un certain point. Comment tout cela peut-il être en harmonie avec la bonté et la droiture qu’on lui attribue ? »
D’après Charles Bradlaugh : « L’existence du mal est une pierre d’achoppement terrible pour le théiste. La douleur, la misère, les crimes, la pauvreté confrontent celui qui prône la bonté éternelle, et ils le défient avec puissance et le laissent sans réponse quand il déclare que la divinité est toute bonté, toute sagesse et toute-puissante. »
Commentant la souffrance humaine et Dieu, le Professeur J.B.S. Haldane écrit : « Ou bien la souffrance est nécessaire pour perfectionner le caractère humain, ou bien Dieu n’est pas Tout-Puissant. La première théorie est réfutée par le fait que certaines personnes qui ont très peu souffert, mais ont été chanceuses grâce à leur lignée ancestrale et leur éducation ont de très bons caractères. L’objection à la seconde est que c’est seulement en lien avec l’univers en tant que totalité qu’il existe un fossé intellectuel qui doit être rempli en postulant l’existence d’une divinité. Et un créateur pourrait vraisemblablement créer tout ce qu’il voudrait. »
En « désespoir », un poème composé dans sa vieillesse, Lord Tennyson attaque courageusement Dieu, qui, tel qu’en témoigne Isaïe, 45,7, dit, « Je fais la paix et crée le mal ».
« Quoi ! Je devrais faire appel à cet Amour Infini qui nous a si bien servis ?
La cruauté infinie plutôt qui créa un Enfer éternel,
Nous a créé, nous a prévu en tant que tels, nous a condamné, et elle fait ce qu’elle veut par elle-même ;
Il vaut mieux que notre mère brutale soit morte, elle qui ne nous a jamais entendu gémir. »
Des écrivains dogmatiques des temps anciens déclarèrent avec autorité que Dieu créa l’homme à son image. Avec l’essor de la civilisation, la conception de Dieu chez les hommes devint de plus en plus raffinée. Il existe à présent une tendance à substituer à ce Dieu personnel un Dieu impersonnel.
Voltaire déclare que Dieu est la création la plus noble de l’homme. Il est toutefois impossible de concevoir un tel être omnipotent et omniprésent, un condensé de toutes les choses qui sont bonnes- qu’elles soient internes ou externes à cet univers.
La science moderne cherche à aborder le problème avec ses connaissances systématiques limitées. D’après le point de vue scientifique, nous sommes les produits directs des cellules de sperme et d’ovule données par nos parents. Mais la science ne fournit aucune explication satisfaisante au sujet du développement de l’esprit, qui est infiniment plus important que la machinerie du corps matériel de l’homme. Les scientifiques, en affirmant « Omne vivum ex vivo » (Toute vie d’une vie), maintiennent que l’esprit et la vie ont surgi du sans-vie.
En fait du point de vie scientifique nous sommes nés des parents de façon absolue. Ainsi nos vies sont nécessairement précédées par celles de nos parents et ainsi de suite. Par cette voie la vie est précédée de la vie jusqu’à ce que l’on revienne au premier protoplasme ou colloïde. Concernant l’origine de ce premier protoplasme ou colloïde, toutefois, les scientifiques admettent leur ignorance.
Quelle est l’attitude du Bouddhisme au sujet de l’origine de la vie ?
Au début nous devrions déclarer que le Bouddha n’essaye pas de résoudre tous les problèmes éthiques et philosophiques qui intriguent le genre humain. Il ne traite pas non plus de suppositions et de théories qui ne tendent ni à l’édification ni à l’éclaircissement. Il ne demande pas non plus une foi aveugle de la part de ses adeptes concernant une cause première. Il est principalement concerné par un problème pratique et spécifique : celui de la souffrance et de sa cessation ; toutes les autres questions sont complètement ignorées.
Une fois un Bhikshu du nom de Mâlunkyaputta, n’étant pas satisfait de mener la vie sainte et de parvenir à sa propre délivrance par degrés, approcha le Bouddha et demanda impatiemment une solution immédiate à quelques problèmes spéculatifs en menaçant de rendre sa robe s’il n’obtenait pas de réponse satisfaisante.
« Vénérable », dit-il, « Ces théories n’ont pas été élucidées, elles ont été mises de côté et rejetées par l’Éveillé : si le monde est éternel ou non éternel, fini ou infini. Si l’Eveillé élucidera ces questions pour moi, alors je mènerai la vie sainte sous ses ordres. S’il ne le fait pas, alors j’abandonnerai les préceptes et je retournerai à la vie laïque. »
« Si l’Eveillé sait que le monde est éternel, que l’Eveillé élucide pour moi cette question que le monde est éternel ; Si l’Éveillé sait que le monde est non-éternel, que l’Éveillé élucide pour moi cette question que le monde est non-éternel-dans ce cas, certainement, pour celui qui ne sait pas, qui n’en a pas l’introspection intuitive ; la seule chose juste à faire consiste à dire : je ne sais pas ; je n’en ai pas l’introspection. »
Calmement le Bouddha questionna le Bhikshu errant pour savoir si son adoption de la vie sainte était de quelque manière que ce soit conditionnée à la solution de tels problèmes.
« Non Vénérable, » répondit le Bhikshu.
Le Bouddha alors l’admonesta pour qu’il ne perde pas son temps et son énergie dans des spéculations dépourvues de sens nuisibles à son progrès moral, et il dit :
« Qui que ce soit, Mâlunkyaputta, qui dirait, « Je ne mènerai point la vie sainte à moins que l’Éveillé n’élucide ces questions pour moi »
- Cette personne mourrait avant que ces questions ne soient élucidées par l’Éveillé
« C’est comme si une personne était percée par une flèche fortement imprégnée de poison, et que ses amis et proches devaient dépêcher un chirurgien, et alors il dirait, « Je ne souhaite pas que cette flèche soit extraite de mon corps avant de recueillir des renseignements au sujet de la personne qui m’a blessé, la nature de la flèche avec laquelle j’ai été percé, etc. » Cette personne mourrait avant d’obtenir tous ces renseignements. »
« Exactement de la même manière quiconque dirait : « Je ne mènerai pas la vie sainte à moins que l’Éveillé n’élucide pour moi les questions de savoir si le monde est éternel ou non éternel, si le monde est fini ou infini… » Cette personne mourrait avant que ces questions ne soient élucidées par l’Eveillé. »
« Si l’on s’en tient à la croyance que le monde est éternel, y aurait-il l’observance de la vie sainte ? Dans un tel cas-Non ! Si l’on s’en tient à la croyance que le monde est non-éternel, y aurait-il l’observance de la vie sainte ? Dans un tel cas-Non plus! Mais, que l’on adopte la croyance que le monde est éternel ou qu’il est non-éternel, il y a la naissance, il y a la vieillesse, il y a la mort, choses dont j’ai fait connaître l’extinction possible dans cette vie. »
« Mâlunkyaputta, je n’ai pas révélé si le monde était éternel ou non éternel, si le monde était fini ou infini. Pourquoi n’ai-je pas révélé ces choses-là ? Parce qu’elles ne sont pas profitables, elles ne renvoient pas au fondement de la sainteté, ne conduisent pas à l’aversion, à l’absence de passions, à la cessation, à la tranquillité, à la sagesse intuitive, à l’illumination ou à Nibbâna. Par conséquent je n’ai pas révélé de telles choses. »
*1
D’après le Bouddhisme, nous naissons de matrices liées à l’action. Les parents ne font que nous fournir une couche de matière. Par conséquent l’être précède l’être. Au moment de la conception, c’est le kamma qui conditionne la conscience initiale qui vitalise le fœtus. C’est cette énergie karmique invisible, générée par la naissance précédente, qui produit des phénomènes mentaux et les phénomènes de la vie au sein de phénomènes physiques déjà existants, afin de parachever le trio qui constitue l’homme.
Traitant de la conception des êtres, le Bouddha déclare :
« Quand on trouve une combinaison des trois, alors là un germe de vie est planté. Si la mère et le père s’unissent, mais ce n’est pas la période fertile de la mère, et « l’être qui est supposé naitre » (gandhabha) n’est pas présent, alors aucun germe de vie n’est planté. Si la mère et le père s’unissent, et c’est pendant la période de fertilité de la mère, et « l’être qui est supposé naitre » (gandhabha) est présent, alors par la conjonction de ces trois, un germe de vie est planté.
*2
Ici gandhabha (=gantabba) ne signifie pas « une classe de deva supposés présider au processus de la conception » *3, mais cela se réfère à un être approprié prêt à naître dans ce ventre maternel particulier. Ce terme est utilisé seulement dans ce contexte particulier, et il ne doit pas être confondu avec une âme permanente.
Pour qu’un être naisse ici, un être doit mourir ailleurs. La naissance d’un être, qui signifie strictement l’apparition des agrégats, ou les phénomènes psycho-physiques dans cette vie présente, correspond à la mort d’un être dans une vie passée ; de la même manière que, dans des termes conventionnels, le soleil levant en un lieu signifie le coucher du soleil en un autre lieu. Cette déclaration énigmatique pourrait être mieux comprise en imaginant la vie comme une vague et non comme une ligne droite. La naissance et la mort sont seulement deux phases du même processus. La naissance précède la mort, et la mort, pour sa part, précède la naissance. Cette succession constante de naissances et de morts en lien avec chaque flux de vie individuelle constitue ce qui est techniquement connu sous le nom de Samsara-errance récurrente.
Quelle est l’origine ultime de la vie ?
Le Bouddha déclare positivement : « Sans commencement connaissable est ce Samsara. Le moment originel des êtres qui, obstrués par l’ignorance et entravés par le désir impérieux, errent et vont çà et là, ne peut être perçu. » *4
Le Samsara, littéralement, signifie errance récurrente. Le Atthasâlinî définit le Samsara ainsi : « Khandhânam patipâti dhâtuâyatanânam ca abbhocchinnam vattamânâ samsâro’ti pavuccati. ». Le Samsara est la succession ininterrompue des agrégats, des éléments, et des bases sensorielles.
Ce courant de vie coule ad infinitum, aussi longtemps qu’il est nourri par les eaux boueuses de l’ignorance et du désir impérieux. Quand ces deux facteurs sont complètement éradiqués, alors le courant de vie cesse de couler ; la renaissance prend fin, comme dans le cas de Bouddhas et d’Arahants. Un premier commencement de ce courant de vie ne peut être déterminé, car l’on ne peut percevoir un stade quand cette force de vie n’était pas pleine d’ignorance et de désirs impérieux.
Nous devrions comprendre que le Bouddha s’est référé ici simplement au commencement de la force de vie des êtres vivants. Nous laissons aux scientifiques le soin de spéculer sur l’origine et l’évolution de l’univers.
Notes :
*1 Majjhima Nikâya, I, 63, Cûlamâlunkya Sutta, p.425.
*2 Ibid, I, 38, Mahâtanhâsamkhaya Sutta, p.256. Bien qu’une mèche et de l’huile soient présentes, un feu extérieur doit être introduit pour produire une flamme.
*3 Référez-vous à F.L. Woodward, « Some sayings of the Buddha » (Quelques paroles du Bouddha), p.29.
*4 Samyutta Nikâya, II, p.178 ; Les paroles de ceux dont l’esprit s’accordent à l’unisson (Kindred Sayings), II, p.118.
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