Centre Bouddhique International

le Bourget - France

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 La libre pensée dans

l’Enseignement du Bouddha.

Par

Bhanté Parawahera Chandaratana – Centre Bouddhique International du Bourget 

 

 

                     
Pourque la sagesse apparaisse chez les êtres humains, il existe deux points importants à soulever.   
Il y a Paratogosha et Yoniso manasikara.

 

Ces deux choses sont capitales et très efficaces pour une bonne compréhension du Dhamma. Nous pouvons aussi dire que ce sont deux bases du Bouddha Dhamma.

 

Pourquoi affirmer une telle chose ?

 

Dans l’Enseignement du Bouddha nous trouvons une attitude de libre-penseur qui n’existe pas dans les autres traditions spirituelles ou religieuses. Si quelqu’un suit correctement l’Enseignement du Bouddha, il doit d’abord prêter une écoute attentive et bien analyser si cet enseignement est correct selon lui et au final il peut l’expérimenter par lui-même. Si cela lui est bénéfique quand il teste par lui-même cet Enseignement, alors il peut persévérer dans cette voie spirituelle.
À une occasion, le Bouddha avait interdit au Sangha de démontrer à autrui leur acquisition de pouvoirs surnaturels. La raison en est qu’un moine Arahant, qui s’appelait Lakkhana, avait démontré ses pouvoirs surnaturels en saisissant grâce à un vol un bol en bois de santal juché au sommet d’un arbre de bambou.

 

Le Bouddha a enseigné trois Pratiharya. Le premier est appelé Iddhi Pratiharya. Le second est appelé Adesana Pratiharya. Le troisième est appelé Anusasana Pratiharya.

 

Nous allons expliquer le premier. Iddhi Pratiharya signifie entreprendre une action pour montrer aux autres que l’on possède des pouvoirs surnaturels afin de susciter l’admiration des adeptes ou autres personnes et qu’ils suivent nos enseignements. Iddhi, les pouvoirs surnaturels peuvent être obtenus grâce à la réalisation du 4ème Rupa Jhana.
Nous allons aussi expliquer le second. Adesana Pratiharya signifie enseigner quelque chose à quelqu’un en essayant de lui démontrer que nous possédons le pouvoir de lire dans ses pensées.
Le troisième, Anusasana Pratiharya, signifie enseigner le Dhamma à quelqu’un pour lui montrer le chemin en lui faisant comprendre qu’il doit faire un travail sur lui-même afin de comprendre la réalité ultime et aussi de prendre conscience que personne ne peut faire ce travail à sa place.

 

Le Bouddha a naturellement encouragé ses disciples à pratiquer le troisième Pratiharya. La raison en est que la libre pensée propre au Bouddhisme est une attitude inhérente à ce Pratiharya, ce qui fait que de ce point de vue le Bouddhisme est unique parmi toutes les traditions spirituelles et religieuses du monde.

 

Nous allons maintenant parler de Yonisomanasikara et Paratogocho. Ils reflètent l’attitude de libres penseurs propre à ceux qui suivent l’Enseignement du Dhamma. Paratogocho signifie un enseignement reçu d’une source extérieure à nous-mêmes et que l’on a écouté. À l’époque du Bouddha, il existait dans le Majjhima Desa six maîtres principaux qui enseignaient des choses différentes les uns des autres. Il y avait de nombreux adeptes qui gravitaient autour de ces maîtres.

 

Yonisamanasikara constitue une attitude clé pour réaliser la sagesse. Cela signifie analyser les choses avec sagesse. Quelqu’un qui développe Yonisomanasikara est une personne qui analyse très correctement ce qu’il a vu et entendu et par sa compréhension éclairée la sagesse peut éclore. Bouddha a conseillé de cultiver Yonisomanasikara, car c’est une qualité primordiale pour comprendre et analyser tous les phénomènes mentaux sans croyance aveugle. À la lumière de la parole du Bouddha, nous comprenons comment il a encouragé si ouvertement la liberté de pensée, sans dogmes révélés, chez ceux qui écoutaient son enseignement. Bouddha aurait pu, grâce à ses pouvoirs miraculeux, impressionner les foules et gagner des adeptes par cette tactique.
 
Bouddha a toujours inculqué à ceux qui l’écoutaient les vertus de la compréhension juste et de la sagesse du discernement afin de tester son enseignement tout en conservant leur liberté de pensée. Il n’encourageait jamais ses disciples à suivre ses enseignements simplement par amour pour lui et avec une foi aveugle.
Nous pouvons bien essayer d’expliquer et d’exposer les six caractéristiques du Dhamma. Quand on les comprend, on peut comprendre aussi toute l’étendue de liberté de pensée propre aux enseignements du Dhamma qui ne se fondent pas sur les croyances, mais sur la compréhension. Voici une vandana (invocation) que récitent beaucoup de moines et de laïcs tous les jours.  Svākkhāto   sandiṭṭhiko, akāliko, ehipassiko, opanayiko, paccattaṁ veditabbo viññūhī ti.

(Le Dhamma) a été bien proclamé, il est visible ici et maintenant, intemporel, à expérimenter soi-même, menant à la Réalisation, à connaître par les sages en eux-mêmes.

 

Les deux termes ehipassiko et paccattaṁ veditabbo viññūhī ti sont d’une importance capitale pour comprendre à quel point la liberté de pensée est précieuse aux yeux du Bouddhisme. Ehipassiko signifie quelque chose comme « venez et voyez par vous-mêmes sans croire » et paccattaṁ veditabbo viññūhī ti signifie pour sa part quelque chose comme « cet enseignement doit être bien expérimenté par les sages chacun pour lui-même en comprenant bien le Dhamma ». Le Bouddha n’a jamais essayé de convertir qui que ce soit sous la pression, de la peur ou de l’intimidation. Il n’a fait qu’exposer son enseignement en accordant à chacun la liberté de le tester à sa convenance ou de le quitter si cela ne lui convient plus. Le Bouddha avait des pouvoirs psychiques et surnaturels considérables et il aurait très pu en faire usage pour pratiquer des conversions de masse. Il décida de faire plutôt usage de raisonnements logiques dans sa manière d’exposer ses enseignements. Son code de discipline ne consiste pas en des commandements divins comme dans la Bible, mais en des préceptes qu’il est conseillé de suivre pour progresser sur le sentier du Dhamma. Si on revient sur la vie de Bouddha et son enseignement, on constate qu’il a manifesté très rarement ses pouvoirs surnaturels. Le Bouddha souhaitait être entouré d’une communauté qui écoute son enseignement et qui le pratique de manière réfléchie et intelligente.

 

En pali, nous disons « sunata, dhareta, carata dhammo ». Cela signifie écouter, bien garder à l’esprit et en faire bon usage (à propos de l’enseignement). Ce sont les attitudes et conditions pour pleinement bénéficier de l’enseignement. Mais si cet enseignement ne vous convient pas, vous pouvez l’abandonner et il n’y a pas d’objections. Quand nous le comparons aux autres traditions spirituelles et religieuses du monde, alors nous arrivons à la conclusion que cet enseignement est le plus libre de tous, car dans les autres traditions la liberté d’analyser un enseignement sans avoir recours à la foi n’est pas accordée aux fidèles. Dans certaines religions ou croyances, celui qui s’en écarte en passant pour un mécréant ou un hérétique peut même être condamné à mort.

 

À l’époque du Bouddha, un laïc fut grandement impressionné par sa beauté et sa grâce physique. Il voulait absolument devenir un moine afin de contempler sans cesse le Bouddha. Quand il devint moine, il regardait constamment le Bouddha. Le Bouddha un jour lui dit : « Vakkali, pourquoi me regardez-vous tout le temps ? Ce corps est rempli d’impuretés et cela ne peut rien vous apporter. Allez plutôt votre chemin pour pratiquer mon enseignement. » Puis Vakkali partit et commença progressivement à correctement pratiquer le Dhamma.
Je peux vous donner un exemple qui démontre de manière indubitable la tolérance du Bouddha. Maintenant en considération de son enseignement que nous avons reçu, nous pouvons voir quelques aspects particuliers de sa nature.
Comme illustration, je vous raconterai un incident.

 

Un jour le Bouddha visita un certain village. Ce village s’appelait Kesaputta dans le royaume de Kosala. Les habitants de ce village vinrent rencontrer le Bouddha et dirent:

 

“Vénérable, de temps à autre des maîtres divers viennent dans notre village ou notre ville et ils donnent diverses sortes d’instructions.
Un maître enseigne une chose, ensuite un autre maître vient enseigner quelque chose de totalement différent.
Tant de maîtres de temps à autre viennent dans notre village et nous prodiguent divers enseignements. Quelques-uns d’entre eux condamnent les doctrines professées par les autres.

 

Désormais nous sommes assaillis par le doute et perplexes. Nous ne savons pas lequel est correct et lequel est erroné.
S’il vous plaît, enseignez-nous quelle voie est correcte et quelle voie est erronée.
Le Bouddha leur donna les conseils suivants uniques dans l’histoire des religions:
« Oui, peuple de Kalama, il est légitime que vous ayez des doutes.
En fait, vous avez entendu des enseignements divers et contradictoires.
Il est naturel que vous ayez des doutes dans un tel cas.

 

Mais je vous dis quelque chose:

 

Ne croyez pas en quelque chose seulement parce que c’est transmis par la tradition. Ne croyez
pas en quelque chose parce que c’est mentionné dans vos écritures. Parfois dans vos écritures il pourrait y avoir quelque erreur.
Ne croyez pas en un enseignement simplement parce qu’il est donné par votre Guru parce que parfois aussi votre Guru pourrait faire une erreur. Ne croyez pas sur la base des rumeurs planant au-dessus de cet enseignement.
Ne me croyez pas de façon aveugle.

 

Quoique vous entendiez, mettez-le par écrit et essayez de l’expérimenter par vous-même.
Quand vous l’expérimentez et vous le « goûtez », si vous trouvez que c’est bénéfique et que cela vous fait du bien, alors adoptez-le, et quand vous savez pour vous-mêmes que certaines choses sont malsaines, erronées et mauvaises, alors vous devriez les abandonner.
Quand vous savez pour vous-mêmes que certaines choses sont bonnes et saines, alors acceptez-les et suivez-les. »
Ainsi en est-il de l’enseignement du Bouddha.

 

À une autre occasion le Seigneur Bouddha conseilla ses disciples de la manière suivante :
« O moines, de l’or est examiné par un joailler, par martelage, en coupant, en chauffant, par tant de méthodes quelqu’un examine si cet or est artificiel ou authentique.

 

De la même manière, n’acceptez pas mes enseignements parce que vous éprouvez beaucoup de respect ou beaucoup d’amour envers moi.
L’amour et le respect seuls ne sont pas suffisants pour croire en mes enseignements. Mettez en pratique mon enseignement et «goûtez-le ».
Si vous sentez que c’est bénéfique pour votre cœur et votre esprit, alors acceptez-le et suivez-le.
Petit à petit par la pratique vous pouvez comprendre si c’est bénéfique ou non.
Si cela ne vous convient pas, abandonnez-le. Il n’y a pas d’objection. »
Et en même temps le Bouddha ne souhaitait pas convertir qui que ce soit.
Simplement il faisait part de ses expériences. Si quelqu’un voulait suivre ce sentier, qu’il le suive. Il ne souhaitait pas que les autres le vénèrent.
Mais les adeptes du Bouddha vouent beaucoup de respect et de gratitude à l’instructeur (le Bouddha) ainsi nous pourrions appeler cela le culte bouddhique.

 

Mais ce n’est pas un culte.
Nous Bouddhistes ne vénérons pas le Bouddha. Nous rendons juste hommage à ce grand maître. Nous lui manifestons notre gratitude. Mais le Bouddha n’accepta même pas cela.
D’après lui, vous pourriez vénérer qui vous voulez, c’est sans importance.
Ce qu’il espérait du monde,
Qui est « ce dernier » pratique les vertus.

 

Vous pourriez vivre une vie de bonne moralité. Vous pourriez bâtir en vous-même un caractère fait de bonne moralité.
Essayez de purifier votre cœur, votre esprit de toutes les souillures du mental et des tentations. Essayez de purifier votre cœur. Indépendamment de cela, essayez d’examiner les profondeurs à l’intérieur de vous-même.
Essayez d’examiner la nature de votre vie, d’utiliser le pouvoir de vos raisonnements et de comprendre ce que vous êtes réellement.
Si vous faites ceci avec prudence, après quelque temps vous réaliserez ce que vous êtes vraiment.
Comme vous ne pouvez pas comprendre ce que vous êtes vraiment cette ignorance cause tant de troubles dans votre esprit.
La chose la plus proche de nous et de chaque être humain est notre existence individuelle.

 

Je dois comprendre ce que c’est réellement. Si nous ne réalisons pas sa nature exacte, cette non-réalisation concernant mon existence, cette ignorance cause tous mes troubles. Si je réalise la nature exacte de ma vie, alors aucune passion ne se manifeste en moi.
Aucune souillure ne surgit dans le cœur et l’esprit, car je connais ma propre vie.
Cette connaissance complète de ma vie est une conséquence naturelle du développement de la sagesse.
Quand cette sagesse éclot en moi de façon parfaite, toutes les ténèbres de l’ignorance  disparaissent.
Par cela je deviens parfait et j’atteins la réalisation complète. Alors il n’y a plus aucune souffrance. Une telle personne nous l’appelons un ou un Arahant.

 

Il peut affronter tous les troubles avec joie.
Donc le but ou la voie des enseignements du Bouddha conduit à cet état de perfection sans Soi. Une personne énergique qui pratique ou se meut le long de ce sentier peut atteindre cet état dans cette vie même.
C’est l’enseignement du Bouddha.

 

Quand le Bouddha donne son enseignement, il utilise des paraboles. Parfois il raconte des histoires. Parfois, quand il rencontre des personnes de haut niveau intellectuel, il emploie des méthodes philosophiques pour leur expliquer ses enseignements. Quand bien même quelqu’un n’accepterait pas ses enseignements, il ne le force pas à les accepter.
Je vous donne une illustration extraite du Brahmajala Sutta.

 

Une fois le Bouddha, étant accompagné par certains de ses disciples, visita un certain village. La nuit, ils dormirent en un certain lieu.
Pendant ce temps des maîtres ascètes appartenant à une autre secte demeurèrent au même endroit et s’y installèrent pour la nuit.
La nuit, des disciples du Bouddha marchaient en bas et aux étages de ces lieux.
Alors qu’ils marchaient en haut et en bas ils entendirent des débats houleux qui avaient lieu entre d’autres maîtres ascètes et leurs élèves. Ils allèrent les écouter.

 

Le maître critiquait le Bouddha avec sévérité. Il dit du mal du Bouddha, de ses disciples et de son enseignement. Mais certains de ses disciples louaient le Bouddha et ses disciples. Ainsi, cela signifie qu’il y avait des opinions contradictoires parmi les disciples du maître ascète.
Les disciples du Bouddha entendirent cette discussion et revinrent silencieusement vers leur lieu de résidence. Le matin suivant, ces moines évoquèrent la discussion de la nuit précédente contre l’enseignement du Bouddha, ils expliquèrent les opinions contradictoires existant parmi les disciples du maître ascète.

 

Entre temps le Seigneur Bouddha vint à cet endroit et demanda à ses disciples de quoi ils avaient parlé.
Ils lui dirent ce qu’ils avaient entendu le soir précédent, c’est à dire cette discussion entre le maître ascète et ses élèves, ils lui ont en fait rapporté la totalité de l’histoire.

 

Le Seigneur Bouddha leur conseilla:

 

“Mes disciples, quand vous entendez d’autres personnes me critiquer ou dire du mal de moi, ou me dénigrer, ne vous mettez pas en colère. Ne faites pas de mal à vos propres sentiments. En supposant que vous vous mettiez en colère ou que vous blessiez vos propres sentiments, pouvez-vous correctement comprendre s’ils ont raison ou tort. Vous ne pouvez le comprendre. Par conséquent, ne vous mettez pas en colère, soyez impartial.
Essayez de comprendre s’ils ont raison ou bien tort. S’ils ont tort, il est nécessaire d’aller à leur rencontre et de les corriger calmement. Sinon, gardez le silence. Si vous êtes dans une telle situation, si vous vous mettez en colère, alors ce sera un obstacle pour vous-mêmes et votre développement spirituel. Par conséquent, ne vous mettez jamais en colère. Ne blessez jamais vos propres sentiments, quand d’autres personnes me critiquent, critiquent mes enseignements ou mes disciples.
Supposez que vous entendiez d’autres personnes en train de me louer, louer mon enseignement et mes disciples, ne soyez pas fiers. Soyez impartial. Si vous devenez fier, cela sera aussi un obstacle à votre développement spirituel. »
L’enseignement du Bouddha est juste comme une science médicale. La science médicale traite de quatre choses. La première consiste à diagnostiquer une maladie. Cela signifie savoir si les gens souffrent d’une maladie ou non.
Cela signifie trouver la cause de cette maladie. Ensuite de savoir si oui ou non c’est guérissable. Ensuite de trouver éventuellement un traitement.

 

Sans cela il n’y a pas de science médicale.
L’enseignement de Bouddha est également comme cela. Il est destiné à soigner les souillures du mental et ses troubles. Par conséquent, il traite de seulement quatre choses.

 

La première consiste à faire comprendre aux personnes leurs souffrances nées de types divers de troubles dans cette vie.
Bien que nous pourrions vivre une vie heureuse, au final elle se terminera par la mort.
Tout notre luxe et nos plaisirs seront réduits à néant au moment de la mort.

 

D’après toutes les religions, la vie est imparfaite. Parce que ce monde est rempli de souffrances.
En conclusion, je peux dire que la vérité ultime du Dhamma n’est pas une vérité exclusive et révélée et que nous, le Sangha, acceptons même les personnes qui souhaitent apprendre à méditer, mais aussi conserver leur religion de naissance quand ils ne sont pas nés dans une famille bouddhiste. Le Bouddhisme n’est pas une croyance au sens traditionnel du terme, mais une hygiène physique et mentale radicale dont le but est la purification de soi par l’observation de soi afin de se libérer définitivement de la souffrance, de l’insatisfaction qui est la caractéristique principale du Samsara, la ronde des naissances et des morts, la roue de l’existence appelée bhava-cakka.

 

 

 

 

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 Samadhi Bouddha Statue - Anuradhapura - Sri Lanka  IV-Ve Siècle