Centre Bouddhique International

le Bourget - France

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La nourriture dans le Bouddhisme

 

Par

Bhanté Parawahera Chandaratana – Centre Bouddhique International du Bourget

 

 

 

 

 

Le Bouddhisme ancien et originel, dont la seule forme qui ait survécu jusqu'à nos jours est connue sous le nom de Theravada, ne présente jamais le pur végétarisme comme une pratique obligatoire, que ce soit pour les laïcs (upâsaka) ou pour les moines (bhikkhu).

 

En effet, le Bouddha avait institué un ensemble de règles appelées Patimokkha et dans les pays du Bouddhisme Theravada encore de nos jours, les Bhikkhu font tous les matins à l'aube leur quête de nourriture quotidienne avec leur bol à aumônes.
Cette ronde de collecte de nourriture est appelée Pindapata.

 

Le moine qui l'effectue, selon la tradition, est censé ne jamais détourner les mérites (punna) du ou des laïcs qui dépose(nt) dans son bol à aumônes de la nourriture et donc il est supposé pratiquer également ce que l'on appelle l'équanimité du mental (upekkha) quant au type de nourriture offerte sans exprimer de préférence ou de choix personnel et donc accepter gracieusement toute nourriture offerte par eux.
En premier lieu, je dois expliquer ce que nous entendons par équanimité.
Il s'agit de l'attitude mentale neutre à l'égard des plaisirs et déplaisirs par laquelle les préférences subjectives ne se manifestent point, cette capacité du mental de ne pas s'attacher aux expériences jouissives et plaisantes et à ne pas concevoir d'inimitié à l'encontre des expériences douloureuses et déplaisantes.

 

En effet, par exemple, quand un laïc dépose de la nourriture offerte dans le bol à aumônes d'un Bhikkhu, ce dernier ne doit pas exprimer par sa mimique faciale de mécontentement si cette nourriture ne lui plaît pas. Ceci afin d'éviter de détourner le laïc de son mérite (punna) accumulé par la pratique de dâna (générosité) envers le Sangha (la communauté monastique).
Par contre, certaines nourritures carnées étaient proscrites pour les moines par le Bouddha, comme par exemple les chairs animales d'animaux sauvages tels que le lion, le tigre, le serpent, etc.
 
Par ailleurs, le Bouddha rejeta formellement des pratiques telles que les sacrifices d'animaux, car le Bienheureux cultiva la compassion (karuna) envers tous les êtres vivants et non seulement les êtres humains.

 

De surcroît, concernant la nourriture issue du corps d'un animal qui a été intentionnellement tué et sacrifié afin que sa chair soit offerte à un moine, ce dernier ne peut l'accepter, car du point de vue du Patimokkha, le code de discipline monastique, il commet alors une faute. Un Bhikkhu en effet a renoncé à la violence envers tout être vivant. Le premier des cinq préceptes est récité comme suit: "Pânatipata veramani sikkhapadam samadiyami", "J'observe le précepte consistant à éviter de faire violence aux êtres vivants."
 

 

Certains moines sont végétariens, mais lorsqu'ils reçoivent de la nourriture carnée dans leur bol à aumônes, ils se doivent quand même de l'accepter. Ensuite, au monastère, ils ont la possibilité éventuelle d'offrir cette nourriture à un autre moine qui n'est pas végétarien.
Parfois, certains moines du Theravada, qui ont une grande réputation de sainteté, font leur ronde matinale de quête de nourriture quotidienne et les upâsaka (laïcs) connaissent leur régime alimentaire végétarien. Alors dans ce cas les laïcs ne leur offrent que de la nourriture végétarienne.

 

Dans l'Hindouisme Brahmanique, la prêtrise, c'est-à-dire la caste des Brahmanes, est héréditaire, car les Brahmanes sont censés, dans un hymne du Rigveda appelé Purusha-Sukta, avoir émané de la bouche pure de l'être cosmique primordial appelé Purusha ou Brahma.
Les Brahmanes védiques, dans leur Nitya-karma, leur devoir permanent, sont supposés être des purs végétariens toute leur vie en évitant la viande, le poisson, les fruits de mer et les œufs. Ils sont appelés Thakur, c'est dire « purs des purs », dans la tradition hindoue. Ceci dit ce n'est pas seulement par la naissance, dans l'authentique tradition, qu'ils sont « purs des purs », mais grâce à leur initiation (dîkshâ) aux syllabes mystiques (mantra) de la déesse Gâyatrî reçue dans leur jeunesse qu'ils deviennent des Dvîja (des deux fois nés). Toutefois, certains Brahmanes font un amalgame entre la pureté mentale et la pureté du sang, pensant être purs uniquement en raison de leur caste de naissance.

 

Dans un discours appelé Vasala Sutta, dans le verset 21,le Bouddha déclara ceci :

 

"Non par la naissance on est un hors caste; non par la naissance on est un Brahmane. Par les actes on devient un hors caste, par les actes on devient un Brahmane." 
Pour ce qui est de la tentative, à l'époque de la prédication du Bouddha, d'introduire la pratique du végétarisme pur, il existe une anecdote importante concernant un moine rebelle du nom de Devadatta, qui essaya de provoquer une scission au sein du Sangha (la communauté monastique).

 

Devadatta était le fils du frère de Suddhodana, Suppabuddha, et ainsi il était le cousin du Bouddha. Son nom signifiait « donné par dieu ».’ (Vinaya 2. 182). Pendant quelques années, Devadatta se révéla être un bon moine, rempli de diligence et en plusieurs passages de la littérature bouddhique canonique, le Tipitaka, il est loué pour cela (Vinaya 2. 188). Progressivement, toutefois, il considéra que le Bouddha s'écartait trop des pratiques ascétiques traditionnelles et un bon nombre de moines étaient d'accord avec lui sur ce point. Se confrontant au Bouddha sur ce point, Devadatta insista que le Bienheureux rende obligatoires pour tous les moines plusieurs pratiques comme suit -
(1) qu'ils ne demeurent que dans la forêt,
(2) qu'ils n'acceptent jamais d'invitations formulées par des dévots aux domiciles de ces derniers, mais qu'ils ne vivent que d'aumônes de nourritures recueillies à l'extérieur,
(3) qu'ils ne portent que des robes de haillons,
(4) qu'ils vivent en plein air et non au monastère, et
(5) que le végétarisme soit obligatoire pour les moines. Les requêtes de Devadatta furent refusées par le Bouddha et ses disciples se séparèrent du Bouddha et de ses disciples.
Ultérieurement, la tradition enseigne que les disciples de Devadatta abandonnèrent finalement ce dernier et qu'il mourut discrédité et abandonné de tous. Sur le fond, le Bouddha ne rejeta pas en bloc les pratiques ascétiques que voulait imposer Devadatta, mais seulement leur caractère obligatoire. Il ne soulevait point d'objection de son propre fait si un Bhikkhu voulait en pratiquer une ou plusieurs. En effet le Theravada est la Voie du Milieu (Majjhima Patipada) et non la voie des extrêmes.

 

Ceci dit, certaines écoles bouddhiques du Mahayana, le Bouddhisme du Grand Véhicule, prescrivent le végétarisme en tant que règle d'or, et ceci en raison du fait que la plupart des formes de ce Bouddhisme moderne et réformé ont subi une forte influence de l'Hindouisme Brahmanique. Le moine Bodhidharma, qui introduisit le Bouddhisme en Chine, sous la forme de l'école Ch'an, appelée Zen au Japon, en est un exemple. Il était supposément d'origine Brahmanique et il arriva en Chine, d'après une légende, en l'an 527 de l'ère chrétienne, à l'époque de la dynastie Liang (502-557). De nos jours, par exemple, les moines Ch'an Vietnamiens sont traditionnellement de stricts végétariens. À Taiwan, par exemple, les moines qui rendent un culte au Bouddha Amitaba et au Bodhisattva céleste Kuan Yin sont de stricts végétariens. Par contre les moines Shaolin en Chine tolèrent la consommation d’œufs. En effet, certains œufs ne sont pas produits par la poule après copulation avec un coq, donc ils ne contiennent pas potentiellement la vie. Il existe un débat non résolu selon lequel celui qui mange de la nourriture carnée est un maillon de la chaîne, et donc il est fautif et complice de cruautés et de violence envers le monde animal même s'il n'a pas tué d'animal. D'autres disent qu'il ne commet aucune violence et peut donc manger de la chair animale, car il n'est pas celui qui a tué l'animal.

 

Pour conclure, je vais réciter le verset 129 du Dhammapada couché en langue Pali:

 

129. sabbē tasanti daṇḍassa — sabbē bhāyanti maccunō
attānaṃ upamaṃ katvā — na haneyya na ghātayē
« Tous tremblent avec force, ils ont tous peur de la mort. Considérant les autres comme soi-même, ne tuez pas ni ne faites tuer des êtres. »
Je remercie l'audience ainsi que nos amis panélistes d'avoir écouté cet humble message.

 

 

 

 

 

 

 

 

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 Samadhi Bouddha Statue - Anuradhapura - Sri Lanka  IV-Ve Siècle