Samadhi Bouddha Statue - Anuradhapura - Sri Lanka IV-Ve Siècle
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Le Bouddha et ses proches
Le roi Suddhodana désire voir le Bouddha
Par Ven. Narada Thera
Le roi âgé Suddhodana a entendu que le Bouddha résidait à Rajagaha où il exposait le Dhamma, et il a exprimé le désir pressant de voir l’illuminé. A neuf occasions successives, il a envoyé neuf messagers chacun accompagné d’une délégation, pour inviter le Bouddha à Kapilavatthu. Contrairement à ce qu’il attendait, ils ont tous écouté le Dhamma, atteint l’état d’Arahant et intégré l’Ordre. Comme les Arahants étaient indifférents aux choses mondaines, ils n’ont pas transmis le message du roi au Bouddha.
Déçu, le roi a envoyé un nouveau messager du nom de Kâludâyi qui était un compagnon d’enfance du Bouddha. Il a accepté d’y aller après qu’il eut obtenu la permission d’intégrer l’Ordre.
Comme les autres, il a eu le bonheur de réaliser l’état d’Arahant et d’intégrer l’Ordre. Mais, à la différence des autres, il a transmis le message au Bouddha et l’a persuadé de rendre visite au roi âgé. Comme la saison était propice au voyage, le Bouddha étant accompagné par un grand nombre de disciples, il a fait le déplacement sur de longues étapes en exposant le Dhamma sur le chemin, puis il est arrivé à Kapilavatthu deux mois plus tard.
On lui a préparé les lieux où il devait résider: le parc de Nigrodha à Sâkya.
Les personnes âgées des Sâkya ont pensé: “ il est notre jeune frère, notre neveu, notre petit-fils“, puis il dirent aux jeunes princes: “ Obéissez-lui, nous nous asseyerons derrière vous“ Après qu’ils se soient assis sans lui rendre hommage, le Bouddha rabaissa leur orgueil en montant dans l’air, opérant le “miracle jumeau“ *1. Le roi a assisté à ce phénomène extraordinaire et a aussitôt rendu hommage au Bouddha en disant que c’était sa troisième salutation.*2 Tous les Sâkya étaient obligés de lui rendre cet hommage qui lui était dû. En effet, le Bouddha est descendu du ciel et s’est assis sur le siège qui avait été préparé pour lui. Les proches se sont installés avides d’écouter son enseignement.
Tout d’un coup, un orage s’est abattu sur les lieux et inonda les Sâkya. Cet étrange phénomène qui se produisit brusquement résulta d’une discussion entre eux. Le Bouddha prêcha le Vessantara Jataka afin de montrer qu’un évènement similaire s’était produit en présence de ses proches dans une vie antérieure. Les Sâkya ont été enchantés d’écouter le discours et ils sont partis sans savoir que le devoir exigeait d’inviter le Bouddha et ses disciples pour le repas du midi. Le roi non plus ne l’a pas invité bien qu’il pensât: “Si mon fils ne vient pas à la maison, où ira-t-il?“ Quand il regagna la maison, il prépara plusieurs mêts pensant qu’ils viendraient chez lui au palais.
*1 Yamaka Pâtihâriya souvent transcrit par le “miracle jumeau“, est un phénomène psychique que seul un Bouddha peut effectuer. Par ses propres pouvoirs psychiques, il a fait jaillir feu et eau par les pores de son propre corps. Selon le commentaire du Patisambhidâmagga, “ feu et eau‘ signifient rayons rouge et bleu.
*2 Il lui a rendu hommage une première fois quand il a vu les pieds du nouveau-né sur la tête de l’ascète Asita en signe de vénération. La deuxième fois, cela eut lieu à la fête du labourage quand il vit l’enfant-prince assis en tailleur sur un fauteuil et absorbé dans la méditation.
Comme il n’y avait pas d’invitation personnelle pour le repas de midi le jour suivant, le Bouddha et ses disciples s’étaient préparés pour la collecte de l’aumône auprès des maisons des habitants de Kapilavatthu. Avant que leur collecte soit entamée, le Bouddha a fait de même à travers les rues de Kapilavatthu.
Ayant appris par sa belle soeur Yasodharâ que le Bouddha se comportait de manière humiliante en faisant la mendicité, le roi a été bouleversé, s’est dépêché de rejoindre son fils, l’a salué et lui a dit: “mon fils, je suis rempli de sentiment de honte en te voyant solliciter l’aumône. Cela convient-il à quelqu’un comme toi qui, d’habitude, voyageais sur un palanquin doré, de solliciter l’aumône dans cette ville? Pourquoi me plonges-tu dans la honte?“
“-Je ne te plonge pas dans la honte, grand Roi, mais je pratique la tradition de ma lignée“, répondit le Bouddha, au roi si étonné.
“Mais, cher fils, est-ce la tradition de ma lignée de gagner sa vie en sollicitant l’aumône? Seigneur, notre lignée est une lignée guerrière de Mahâsammata et il n’est pas question qu’un guerrier fasse la mendicité.“
“O grand Roi, ce n’est pas la coutume de ta lignée royale que je pratique, mais celle des Bouddhas. Des milliers de Bouddhas ont vécu en sollicitant l’aumône. “
Debout dans la rue, le Bouddha a averti le roi en ces termes: “Ne sois pas insensé à rester (devant la porte où l’on sollicite l’aumône). Mène une vie droite. La vie droite est heureuse dans ce monde et dans l’autre. “
Ayant entendu ces paroles, le roi a réalisé la vérité et a atteint la première étape de la sainteté. Aussitôt, il a pris le bol du Bouddha et a conduit le Bouddha et ses disciples au palais et leur a offert d’excellents mets.
A la fin du repas, le Bouddha l’a exhorté en lui disant:
“Mène une vie droite et non corrompue, une vie droite est remplie de bonheur dans ce monde et dans l’autre.“
Par conséquent, le roi atteignit la deuxième étape de la sainteté (sakadâgâmi) et Pajâpati Gotami atteignit la première étape (sotâpatti).
A une autre occasion, alors qu’on avait raconté au Bouddha que le roi avait refusé de croire que son fils était mort à la suite de ses sévères austérités et sans avoir atteint son but, le Bouddha a prêché le Dhammapâla Jâtaka afin de montrer que dans une vie antérieure aussi le roi avait refusé de croire que son fils était mort bien qu’on lui montrât un tas d’os. Cette fois-ci, il atteignit la troisième étape de la sainteté (Anâgâmi).
Sur son lit de mort, le roi écouta le Dhamma de la bouche du Bouddha pour la deuxième fois et il réalisa l’état d‘Arahant. Après avoir expérimenté la béatitude de l’émancipation sept jours durant, il décéda en tant qu’Arahant laïque au moment où le Bouddha était âgé de quarante ans.
Le Bouddha et Yasodharâ
La princesse Yasodharâ connue aussi sous les noms de Râhulamâtâ, Bimbâ et Bhaddakaccânâ, était la fille du roi Suppabuddha qui a régné sur la race de Koliya et de Pamitâ, soeur du roi Suddhodana. Elle était du même âge que le prince Siddhattha qu’elle a épousé à l’âge de seize ans. Et c’est en faisant la démonstration de sa prouesse militaire qu’il l’a obtenue. Elle a mené une vie très faste et heureuse. A l‘âge de 29 ans, le jour de la naissance de son fils unique Râhula, son mari sage et contemplatif qu’elle a aimé de tout son coeur, a pris la ferme décision de renoncer au monde pour chercher la délivrance des maux de la vie. Sans même faire ses adieux à son épouse dévote et charmante, il quitta le palais de nuit, y laissant la jeune Yasodharâ afin qu’elle s’occupe de l’enfant. Elle se réveilla comme à son habitude pour saluer son époux bien-aimé, mais à sa surprise, elle ne le trouva point. Quand elle réalisa que son époux princier idéal l’avait quittée en lui laissant la responsabilité de l’enfant nouveau-né, elle fut affligée par un chagrin indescriptible. Sa possession la plus chère l’avait quitté à jamais. Le palais ainsi que toutes les parures de celui-ci lui semblaient désormais tels un cachot; le monde dans son intégralité lui paraissait dépouvu de sens et la seule chose qui lui restait chère désormais était son fils qui lui procurait une consolation.
Bien que plusieurs princes Kshatriya aient sollicité un mariage avec elle, elle ne les accepta jamais préférant rester fidèle à son époux bien-aimé. Ayant appris que celui-ci menait une vie d’ermite, elle ôta ses bijoux et se revêtit d’un costume jaune. Durant les six années où le prince Gotama oeuvrait pour l’illumination, la princesse Yasodharâ suivait ses efforts de près et fit de même.
Quand le Bouddha visita Kapilavatthu, après son Illumination, et eut un entretien avec le roi le lendemain dans le palais, seule la princesse Yasodharâ était venue lui rendre hommage. Et elle pensa:
“Certes, s’il y avait quelque vertu en moi, le noble Seigneur lui-même me rendrait hommage. C’est pourquoi c’est à moi de le faire pour lui.“
Après le repas, le Bouddha tendit le bol vers le roi, et, accompagné par ses deux principaux disciples, il entra dans la chambre de Yasodharâ et s’assit sur un siège préparé pour lui, puis il dit : “Laissez la fille du roi me vénérer comme elle l’entend. Ne (lui) dites rien.“
Ayant entendu la nouvelle de la visite du Bouddha, elle ordonna aux dames de la cour de s’habiller en jaune. Quand le Bouddha prit place, Yasodharâ arriva rapidement vers lui, elle étreignit ses chevilles, plaça sa tête sur ses pieds et lui rendit hommage comme bon lui sembla.
Exprimant son affection et son respect, elle s’assit en le vénérant. Par conséquent, le roi apprécia ses vertus, et commentant son amour et sa loyauté, il dit:
“Seigneur, quand ma fille a entendu que tu t’es habillé en robe de couleur jaune, elle s’est habillé en jaune; elle a entendu que tu ne prends qu’un repas par jour, elle a fait de même; elle a appris que tu as abandonné les divans luxueux, elle s’est assise à même le sol; quand elle a entendu que tu as renoncé aux guirlandes et senteurs, elle aussi y a renoncé; quand ses proches ont envoyé des messages disant qu’ils désiraient la maintenir, elle n’a regardé aucun d’eux. Si vertueuse était ma fille.“
“Non seulement dans cette naissance, Ô Roi, mais dans une vie antérieure aussi, elle m’a protégé, elle était dévouée et elle avait foi en moi“, a fait remarquer le Bouddha et il a cité le Candakinnara Jataka.
Se rappelant cette association passée avec elle, il l’a consolée puis a quitté le palais.
Après la mort du roi Suddhodana, quand Pajâpatî Gotamî est devenue nonne (Bhikkhuni), Yasodharâ aussi a intégré l’Ordre des nonnes et a réalisé l’état de Arahant.
Elle était supérieure aux disciples femmes qui ont acquis des pouvoirs surnaturels (Maha Abhinna)*1 . Elle décéda à l‘âge de 78 ans. Son nom ne figure pas dans le Therigatha, mais ses versets intéressants sont cités dans le Apadana. *2
*1 Le commentaire sur l‘Anguttara Nikâya précise: “Parmi les disciples du Bouddha, quatre seulement ont acquis de grands pouvoirs surnaturels. Les autres pouvaient se souvenir de 100 000 kalpas, pas d’avantage. Alors que les quatre susmentionnés avaient la possibilité de se rappeler des ères innombrables. Ils sont les deux grands disciples ainsi que Bakkula et Bhadda Kaccânâ.
*2 Elle relate son association avec le Bodhisatta quand celui-ci a rencontré le Bouddha Dipankara et a décidé de devenir aussi un Bouddha.
Ven. Narada Thera
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