Le bouddhisme dans la société française
Par le Vénérable Parawahera Chandaratana CBI Le Bourget
Le bouddhisme existe en France en tant que mouvement spirituel dynamique qui a grandi peu à peu seulement depuis le début des années 1970.
Cependant, pas plus tard qu’en 1931, un certain Georges Grimm publia en France et en français un livre sur le bouddhisme intitulé « La sagesse du Bouddha ». Il fut publié par la « Librairie orientaliste de Paul Geuthner ».
Puis au niveau académique, au milieu des années 50, le moine bouddhiste Theravada sri-lankais Walpola Rahula (né en 1907 et décédé en 1997) vint étudier le bouddhisme Mahayana à l’université de la Sorbonne à Paris. En 1961, il écrivit son livre d’introduction au bouddhisme intitulé « What the Buddha taught », traduit plus tard en 14 langues différentes et connu dans le monde entier. La personne qui préfaça ce livre dans sa version française était un professeur français nommé Paul Demiéville. Walpola Rahula fut le premier moine bouddhiste à enseigner dans une université occidentale. Jusqu’alors, il y avait parmi certains milieux académiques, un intérêt intellectuel croissant pour la philosophie bouddhiste partagé par une minorité d’érudits. Mais le bouddhisme en Occident n’était pas encore développé comme une force spirituelle dynamique incarnée dans des institutions monastiques et des centres de méditation. Ses pratiques de méditation et ses doctrines spirituelles étaient totalement inconnues des gens ordinaires d'origine occidentale.
Évidemment, nous trouvons l’exception remarquable d’une Française nommée Alexandra David Néel. Elle était orientaliste, écrivaine, exploratrice et érudite en tibétologie. Elle naquit en 1868 en France et ell y mourut en 1969. Elle réussit à maîtriser la langue tibétaine et elle fut une disciple de Lachem Gomchen Rinpoché. Elle fut la première femme occidentale dans l’histoire à avoir jamais visité Lhassa, la capitale du Tibet, déguisée en femme indienne Assamaise, en 1924, lorsque l’entrée dans ce royaume himalayen était strictement interdite aux étrangers. Elle devint un an plus tard très célèbre pour cette aventure très audacieuse sans y croire pour autant. Surtout pour une femme occidentale censée jadis être obéissante envers son mari et vivre un style de vie occidental. Cet exploit fut en effet publié par certains journaux. Jusqu’à aujourd’hui, Alexandra David Neel est restée une référence de fierté pour de nombreuses Françaises qui ont embrassé le bouddhisme tibétain. Ces dernières partagent habituellement entre elles une sorte d’inspiration féministe mystique. Certaines d’entre elles sont souvent déçues par l’attitude apparemment misogyne de l’Église catholique romaine. Cependant nous admettrons ensemble dans le présent article que le bouddhisme tibétain en France ne s’est pas épanoui sous l’influence d’Alexandra David Neel seulement. Il se répandit aussi en raison d’autres facteurs liés à l’héritage culturel et spirituel judéo-chrétien sur le déclin ou en suspens.
Certaines personnes du sous-continent indien, qui étaient jeunes dans les années 60 et 70, sont au courant d’un changement spirituel et idéologique radical qui se produisit parmi les adolescents et les jeunes adultes en Occident au milieu des années 1960 et 1970. Ce mouvement fut connu sous le nom de révolution psychédélique et mouvement hippie. A cette époque, une nouvelle génération de jeunes en Occident, surtout aux États-Unis, se rebella pacifiquement contre la guerre vietnamienne menée par l’armée américaine. Ils se soulevèrent aussi contre les anciennes valeurs prudes et patriarcales de la famille judéo-chrétienne. Le charismatique poète juif américain Allen Ginsberg adopta le bouddhisme zen. Il était aussi devenu un disciple du défunt et controversé Lama Chogyam Trungpa. Certains artistes vedettes comme le musicien des Beatles George Harrison ont été inspirés par la philosophie hindoue. Beaucoup de gens en Occident ont également embrassé la doctrine de l’Iskcon (Société internationale pour la conscience de Krishna) dérivée de la lignée spirituelle d’un saint hindou Vaishnava et dévot de Krishna appelé Sri Chaitanya Mahâprabhu, qui vécut au 16ème siècle au Bengale, en Inde. Swâmi Prabhupada (1896-1977) fut envoyé pour répandre la conscience de Krishna en Occident et il arriva aux Etats-Unis en 1965.
Pourtant, peu de gens en Inde et au Sri Lanka connaissent un véritable rejeton de la génération Hippy qui a eue lieu dans la société française. On l’appelait « mai 1968 », une révolution étudiante qui a entraîné un changement majeur dans le domaine de l’évolution des mentalités en France. La France était depuis longtemps considérée comme la fille aînée de l’Église catholique romaine.
Ces jours-là, parmi les nouvelles générations, une conscience croissante fut cultivée au sujet des effets positifs que les écoles orientales de sagesse spirituelle, hindouisme, bouddhisme, taoïsme, etc., pourraient avoir sur la société française.
Valérie Giscard d’Estaing, qui avait été élu président de la République française en 1974 et qui fut vaincu lors de l’élection présidentielle de 1981, avait massivement permis, au milieu des années 70, des vagues d’immigration de réfugiés indochinois. Ces réfugiés avaient tous un lien colonial et culturel avec la France. Sous la présidence de Giscard d’Estaing, son Premier Ministre Jacques Chirac, devenu Président de la France des années plus tard, exprima sa profonde sympathie pour les cultures indochinoises. On se souvient aussi de lui pour avoir travaillé sur un projet de rénovation et de restauration du fameux « Musée d’Art Guimée », un musée parisien qui expose de magnifiques sculptures et peintures bouddhiques et hindoues.
Ainsi, de nombreux réfugiés indochinois vinrent du Vietnam, du Cambodge et du Laos pour s’installer en France. Alors que la plupart des Vietnamiens qui vinrent en France en tant que réfugiés politiques étaient bouddhistes du Mahayana, les nouveaux immigrants originaires du Laos et du Cambodge étaient principalement des tenants du Theravada.
Le but de ces Asiatiques depuis le début n’avait jamais été de convertir les Occidentaux au bouddhisme, mais plutôt de perpétuer leurs traditions ancestrales au sein d’une société occidentale.
Nous tenterons d’analyser plus loin dans cet article les facteurs qui provoquent une absence complète de prosélytisme au nom des communautés bouddhistes Theravada établies en France.
En fait, les bouddhistes français d’origine européenne ont commencé à s’intéresser au bouddhisme zen ou tibétain au début des années 70.
Taisen Deshimaru était un bouddhiste zen japonais qui fonda de nombreux zendos en France. Thich Nhat Hanh Bouddhiste zen d’origine vietnamienne nominé pour le prix Nobel de la paix par Martin Luther King, a fondé l’Église bouddhiste unifiée en France en 1969. Le village des pruniers, un monastère et centre de retraite en Dordogne dans le sud de la France, est sa résidence et le siège de son Sangha international.
À la fin des années 1990, on estime qu’il y avait plus de 140 centres de méditation bouddhistes tibétains en France. Les premières communautés bouddhistes tibétaines en France furent établies au début des années 1970. Le plus haut responsable des écoles à résider en France, S.E. Phendé Khenchen, établit son temple de E Wam Phendé Ling en 1973. Il est de l’école Ngor du bouddhisme. Le fleurissement du bouddhisme en France fut catalysé par les visites, en 1973 et 1974 respectivement, du Karmapa et du Dalai Lama, deux des plus hauts lamas. En 1975, Dudjom Rinpoché et Dilgo Khyentse Rinpoché, également très haut lamas, visitèrent la Dordogne, où ils établirent des centres de retraite avec l’aide de Pema Wangyal Rinpoché. Pema Wangyal Rinpoché est le fils de Kangyur Rinpoché, un autre grand lama qui fut parmi les premiers à prendre des disciples occidentaux. Kalu Rinpoché, également un lama très estimé, dirigea la première retraite traditionnelle de trois ans pour les occidentaux en France à partir de 1976. Dans la lignée de Kagyu, de telles retraites confèrent le titre de "lama" à ceux qui les mènent à leur terme. On estime que soixante pour cent des centres et monastères en France sont affiliés à l’école Kagyu. Il y a environ vingt centres de retraite représentant toutes les différentes écoles ainsi que de nombreux centres urbains qui sont sous la direction de grands maîtres bouddhistes tibétains. Dhagpo Kundreul Ling en Auvergne est dit être le plus grand monastère bouddhiste en dehors de l’Asie.
La première association bouddhiste à être fondée en France s’appelait « Les amis du bouddhisme » et elle publiait un magazine.
Puis en 1986 fut fondée une institution bouddhiste nationale qui devint l'organisme médiateur entre tous les bouddhistes résidant en France et le gouvernement français, « L’Union Bouddhiste de France (UBF) ». Aujourd’hui, le bouddhisme est devenu la quatrième religion de France du point de vue de la taille de la population et du nombre d'adeptes, derrière le christianisme, l’islam et le judaïsme. Il y a environ 1 million de bouddhistes en France en ce moment, parmi eux certains Français d’origine occidentale et de nombreux sympathisants qui ne se disent pas bouddhistes mais qui sont inspirés par les valeurs du bouddhisme. Ils apprécient principalement le fait que le bouddhisme est dépourvu de dogme révélé, qu’il n'est pas remis en question par la science moderne et qu’il incite à tester, à expérimenter par soi-même l’authenticité et la validité de sa doctrine plutôt qu’à simplement croire.
Ainsi, suite à l’immigration massive de réfugiés indochinois en France au milieu des années 1970, certains temples bouddhistes Theravada ont été constitués peu à peu. En fait, le bouddhisme Theravada en France comme ailleurs ne fait pas de prosélytisme car il est pratiqué exclusivement par certains laotiens, cambodgiens, thaïlandais, etc. Il n’y a que quelques cas d’adoption de sa doctrine et de ses pratiques par certains Français d’origine européenne. En effet, la France est une république très laïque où l’on trouve bien peu de culture monastique nationale car il n’y a en elle qu’un faible nombre de monastères et de couvents catholiques romains. Depuis 1905, en France, une loi a été votée concernant une séparation stricte du pouvoir de l’Eglise et du pouvoir de l’Etat, une dissociation claire entre les pouvoirs spirituels et temporels. Ainsi, le bouddhisme Mahayana est moins orienté monastiquement que le Theravada. Il est mieux adapté à un environnement et un style de vie modernes. Étant plus orienté vers les laïcs, il a bien mieux réussi que le Theravada à gagner des adeptes français d’origine occidentale. Ce n’est pas un hasard si la seule pratique Theravada qui est devenue populaire et répandue parmi certains d’entre eux est la technique de méditation Vipassana enseignée par le défunt Goenka. Cette « école » est dépourvue de l’idéal monastique et des cérémonies prescrites par certains enseignements plus orthodoxes du Theravada. Il y a en effet un centre Goenka en France qui organise régulièrement des retraites de méditation de 10 jours. Mais nous pourrions nous aventurer à dire aussi que le Theravada est très sec, aride et pragmatique dans ses enseignements. Il est également dépourvu de toute sorte de mysticisme, comme celui que nous trouvons dans le bouddhisme tibétain par exemple. Beaucoup de Français qui ont adopté le bouddhisme tibétain sont séduits par ses cultes de nombreux bouddhas célestes et bodhisattvas, son mysticisme coloré en fait. Étant d’origine judéo-chrétienne, tous ne sont pas à l’origine déconnectés des enseignements de l’Église catholique romaine, même si ceux de la nouvelle génération se disent souvent athées.
En effet, de la même manière que Dieu le Père céleste dans le christianisme est censé s’être incarné en tant que son fils unique Jésus-Christ, de même le bouddhisme tibétain, qui postule que le dalaï-lama est une émanation du Bodhisattva céleste Avalokiteshvara (Chenrezig), offre à ses disciples occidentaux une sorte de consolation sentimentale qui est en harmonie avec leurs croyances de base. Cependant nous pourrions aussi dire que le Theravada est plus populaire parmi les Allemands, les Britanniques, etc. que parmi les personnes d’origine latine et grecque. C'est simplement lié au fait que la plupart des Européens du nord ayant des racines culturelles germaniques et anglo-saxonnes sont principalement pragmatiques et pas vraiment enclins au mysticisme. Mais nous avons pu constater que les bouddhistes français qui ne s’intéressent pas aux tantras du vajrayana et aux rituels, et qui aspirent à quelque chose de plus direct, silencieux, méditatif et laconique, adoptent souvent le Sotozen ou le Zazen.
Le bouddhisme Theravada en France est donc principalement pratiqué par des asiatiques originaires du Sud (Sri Lanka et Bangladesh) et du Sud-Est asiatique. Mais très souvent, les Upasakas (laïcs) de cette tradition résidant en France sont plus enclin aux Amisa Pujas (cérémonies et pujas matériels pour recevoir les bénédictions du triple joyau) afin de recueillir les mérites (pûnya) que Patipati Puja (littéralement le rituel de la pratique). Patipati Puja est le chemin très essentiel de samatha et vipassana bhâvanâ, ce dernier conduisant à Nibbâna, la libération permanente de la souffrance et de la ronde des renaissances. Alors que la plupart des pagodes Theravada en France sont destinées à un groupe ethnique particulier comme les Laotiens, les Thaïlandais, les Cambodgiens, les Cinghalais, etc., nous trouvons en France un Centre Bouddhique International conçu pour tous, situé au « Bourget » et fondé en 1986 par moi-même, en tant que moine bouddhiste sri-lankais nommé Bhikkhu Chandaratana Thero. Je suis venu m’installer au Bourget en 1988. Actuellement, moi-même, Bhikkhu Chandaratana, je suis le chef Nayaka de tout le Theravada Sangha établi en France. Nous trouvons aussi en France une contribution très précieuse de la pratique de la méthode de méditation Vipassana enseignée par le défunt birman Thera Mahasi Sayadaw et le moine birman U Pandita. Dans la ville de banlieue de Gonesse, située près de Paris, une religieuse bouddhiste d’origine cambodgienne appelée Sayalay Daw Sobhana, qui pratique la méditation Vipassana depuis 1990 et qui a été ordonnée religieuse en 2000, guide les méditants de tous les horizons. Elle a réussi à aider un nombre croissant de personnes qui ont fait de véritables progrès spirituels sous sa direction. En résumé, selon la méditation de Theravada et Vipassana, nous devrions noter mentalement toutes les perceptions, sensations, pensées, phénomènes psycho-physiques, etc.
L’objectif est de prendre progressivement conscience du tilakkhana (trois caractéristiques) de tous les phénomènes mentaux et matériels, à savoir anicca (impermanence), dukkha (souffrance ou insatisfaction) et anatta (non-soi). Il n’y a donc aucune croyance religieuse, mystique ou spirituelle dans ce sentier. C’est pourquoi on peut se convertir au christianisme, au judaïsme ou à l’islam, mais pas au Theravada. De toute façon, on peut prendre refuge dans le triple joyau (tisarana tiratana). En fait, il n’existe pas d’article de foi dans le Theravada, qui ne fait pas de prosélytisme. Toutefois, ses adeptes le considèrent comme Ekayâna (le sentier direct et unique). En fait, le Bouddha, pendant sa vie, peu avant son Mahaparinibbana, déclara au mendiant et à l’ermite Subhadda que les Quatre Nobles Vérités et le noble octuple chemin sont le sentier unique conduisant à Nibbâna. Mais la contribution la plus remarquable à la connaissance des écritures canoniques Pali parmi le public francophone, notamment le Majjhima Nikâya et le Dîgha Nikâya, a été faite par un érudit francophone d’origine cinghalaise nommé Mohân Wijayaratna. Il a écrit une vingtaine de livres et traduit en français un grand nombre de Suttas Pali des Majjhima et Dîgha Nikâya. Sa présentation très instruite et intelligente du bouddhisme Theravada apparaît dans un livre intitulé « La philosophie du bouddha ». Mohân Wijayaratna a également conclu un accord avec le Centre Bouddhique International dirigé par moi-même, afin que notre centre bouddhique distribue ses livres par la vente. Moi-même, il y a quelques décennies, avant de fonder le Centre Bouddhique International, j’ai aidé les bouddhistes sri-lankais à créer le temple de l’association Dhammacakka en 1983, basé dans la ville d’Ermont, située dans la banlieue parisienne. Par la suite, cette association fut domiciliée à Bobigny, et actuellement son président est Bhikkhu Ânanda, d’origine sri-lankaise.
J’ai aussi invité Ven Murungasyaye Gnanissara Thera à venir en France en tant que Bhikkhu en charge d’une pagode vietnamienne appelée Jetavana Vihara et située à Blanc Mesnil. J’ai aussi invité Vén Tawalama Dhammika Thera à venir en France pour m’aider quelques années et il est allé en Suisse pour créer un nouveau monastère bouddhiste.
Un autre homme, d’origine française, qui était le disciple du moine cinghalais et maître de méditation Henepola Gunaratana, a enseigné la méditation Vipassana en France. Il a rendu des services extraordinaires et honorables au Dhamma. Il s’appelait Gilbert Gauché. Il est malheureusement décédé cette année, en 2015. Il avait reçu des conseils méditatifs de Bhante Henepola Gunaratana aux États-Unis pendant quelques mois. Il avait notamment traduit, de l’anglais au français, trois livres de ce dernier : « Méditer au quotidien » (« Mindfulness in plain English »), « Les quatre fondements de la pleine conscience ». (« The four foundations of mindfulness in plain English ») et « Les huit chemins vers le Bonheur » (« Eight mindful steps to happiness »).
Il avait été un ami fidèle du Centre Bouddhique International du « Bourget » pendant plus de vingt ans.
Dans notre centre, deux personnes sont en charge des traductions anglais-français. Tout d’abord, nous trouvons un homme d’origine chaldéenne irakienne nommé Michel Nicolas, qui a adopté le bouddhisme Theravada, un érudit en religions et écrivain. Il détient deux doctorats, un de religions comparées et un autre de langues sémitiques comparées. Deuxièmement, nous trouvons aussi M. Lambrou Thierry, un ressortissant français d’origine grecque chypriote, qui a une très bonne maîtrise écrite, lue et parlée en hindi, qui pratique également le thaï et le mandarin. Sous ma direction, Mr Lambrou et une Française du nom de Corin Harmeau ont traduit le Dhammapada avec les histoires ou légendes folkloriques traditionnelles liées à ses 423 versets. Le Centre Bouddhique International publie également un magazine trimestriel intitulé « Sambodhi ». Il a déjà imprimé plus de 22 livres sur le bouddhisme.
Un événement bouddhiste mondial majeur se déroule chaque année à Paris, qui est la célébration de Vesak à l’Unesco. Il était planifié et organisé par le regretté Vénérable Sobhita. Mais, depuis quelques années, il est organisé par le Centre Bouddhique International. Cette année aussi, une célébration très bien organisée de Vesak a eu lieu avec une magnifique interprétation des danses traditionnelles sri-lankaises. C’est l’aspect culturel de cet événement, hormis les conférences et les sermons qui sont son aspect intellectuel et sprirituel. Des bouddhistes de toutes les écoles ainsi que des représentants d’autres traditions religieuses sont régulièrement invités chaque année à participer à cet événement. Cette année, nous sommes redevables aux communautés chinoise et vietnamienne qui nous ont aidés à préparer et à célébrer cette grande fête bouddhiste. En effet, depuis 2013, un moine bouddhiste sri-lankais nommé Bodagama Chandima Thera, qui réside à Taïwan, et les Chinois, pour l'aspect financier, ont organisé la célébration de Vesak à l’Unesco.
En fin de compte, tous les Theravadin et autres bouddhistes devraient être reconnaissants envers le moine bouddhiste sri lankais Anagarika Dharmapala (1863-1933). Il contribua à rétablir les pratiques bouddhistes en Inde au début du XXe siècle. Il fit connaître le message vivant du bouddhisme dans le monde entier. Il fut le fondateur de la Mahabodhi Society en 1891, basée au Sri Lanka. La Mahabodhi Society a des filiales au Sri Lanka, à Chennai et en Inde du Nord. Elle organise principalement des pèlerinages bouddhistes à Budhgaya, Kusinagara, Sarnath et Lumbini.
Anagarika Dharmapala a consacré une grande partie de sa vie à des services sociaux désintéressés. Il a aidé à restaurer le temple de Budhgaya et d’autres lieux saints.
Devant le Parlement des religions à Chicago, le 18 septembre 1893, son discours écrit et sa conférence qui ont été lus ont eu un impact énorme sur le public avec de fortes acclamations.
Anagarika Dharmapala a plaidé pour une sorte de bouddhisme socialiste. Il s’est engagé dans des actions de développement du bien-être social et il a largement inspiré la montée de la future idéologie officielle du gouvernement sri-lankais après son indépendance de la domination coloniale britannique. Si jusqu’à aujourd’hui le Sri Lanka est appelé une république socialiste démocratique, le mérite d’une telle appellation revient à l’illustre et regretté Anagarika Dharmapala. Anagarika Dharmapala démontra par ses discours et ses conférences de son vivant combien toute l’humanité pouvait être remplie de gratitude envers le Bouddha.
En ce qui concerne l’égalité d’accès à la connaissance et à la sagesse, le Bouddha fut le premier à établir une fraternité sans distinction de caste et de race et il déclara:
« Comme les grandes rivières, ô disciples, quelles qu’elles soient, le Gange, la Yamuna, l'Achiravati, la Sarabhu, quand elles atteignent le grand océan, perdent leur vieux nom et leur ancien cour, et ne portent qu’un seul nom : le grand océan, ainsi les brahmanes, les kshatriyas, les vaishyas et les sudras, perdent leurs distinctions lorsqu’ils se joignent à la fratrie. »
Dans la France actuelle, il existe plus de 400 centres bouddhistes et environ 50 temples Theravada. Le dernier point que nous pourrions mentionner dans cette courte conférence réside dans le fait que le bouddhisme dans son ensemble ne condamne personne. Le christianisme, dans l’Évangile, condamne ceux qui reçoivent le message de l’Évangile et le rejettent. L’islam de son côté interdit la conversion des musulmans à d’autres religions et condamne ceux qui quittent l’islam. Selon le bouddhisme en général, il existe des mondes célestes, des mondes de Brahma par exemple et des Enfers, mais aucun d’eux n’est conçu comme étant éternel. C’est pourquoi nous devrions patiemment et avec équanimité pratiquer une tolérance religieuse large d’esprit tout en acceptant toutes sortes de karmas régnant parmi l’humanité et d’autres êtres vivants sans prosélytisme. Le bouddhisme peut fleurir en France, mais il faut nous rappeler que la sagesse (skt. Prajna Pali Panna) ne peut pas être acquise à la hâte ou par des miracles. Certains êtres devront peut-être attendre une renaissance future pour découvrir le sentier conduisant à Nibbâna (skt. Nirvana). Depuis quelques décennies, une nouvelle vision du monde surgit dans l’esprit de nombreux bouddhistes. Un grand nombre d’entre eux adhèrent à une sorte d’égalitarisme lié à une forme d’humanisme spirituel déconnecté des frontières nationales et de la hiérarchie rigide d’une Église universelle.
Vénérable Parawahera Chandaratana
***