L’enseignement du Bouddha a pour objet de libérer tous les êtres humains du Samsara. Pour cela, il nous a enseigné les 21.000 suttas du sutta-pitaka.
Il existe d’autres enseignements, à savoir le vinaya (la discipline), qui comprend également 21.000 suttas. Et il y a l’Abhidhamma (la science d’investigation dans les réalités ultimes) qui est très profond et qui comprend à lui seul 42.000 enseignements. Le sutta-pitaka est d’une importance primordiale car il s’agit des discours et enseignements directs du Bouddha lui-même.
Le premier sermon a été prononcé à Sarnath par le Bouddha à ses cinq premiers disciples, à savoir Kondanna, Vappa, Bhadiyya, Mahānama et Assaji.
Le premier sermon est appelé le Dhammacakka Pavattana Sutta, c’est-à-dire le sermon de mise en mouvement de la roue de la Loi. Tous les autres suttas confirment ce qui a été exposé par le Bouddha dans son premier discours, le sermon de Bénarès, dans le parc des daims à Sarnath, situé à une douzaine de kilomètres de Bénarès (Vāranasi).
Il est important de comprendre qu’un Bouddha apparaît dans le monde afin de permettre à l’humanité de découvrir la Vérité naturelle qui est cachée.
Qu’un Bouddha soit présent dans le monde ou non, cette vérité existe de toute éternité. L’apparition d’un Bouddha a pour objet la redécouverte de cette vérité. Ce Bouddha réalise la vérité ultime par ses efforts personnels. En effet, si le Dhamma exposé par le Bouddha actuel, qui vécut il y a plus de vingt-cinq siècles, disparaît du monde, alors probablement un nouveau Bouddha apparaîtra.
A l’époque actuelle, nous sommes dans une périodeL du monde appelé Mahabhadra Kalpa. Je vais essayer d’expliquer ce qu’est un Kalpa (en Pali Kappa). Il s’agit d’une période d’un éon (une ère cosmique) qui dure plusieurs millions d’années. Le Bouddha a donné à ce sujet plusieurs explications dans les Suttas. Dans un sutta, le Bouddha expliqua qu’il faudrait construire un réservoir mesurant 16 yojanas (un yoyana=environ 25 kilomètres) en hauteur et en largeur. Ensuite, ce réservoir serait rempli de grains de moutarde. Puis, tous les cent ans, il faudrait en retirer un grain et ainsi de suite jusqu’à ce que le réservoir soit vide. Un kalpa durerait plus longtemps que ce processus. C’est pour cela, que certains kalpas voient l’apparition dans le monde d’un ou de plusieurs Bouddha(s) tandis que dans d’autres il n’y en a pas.
Nous sommes à présent dans le Mahābhadra Kalpa et il y a cinq Bouddhas. Quatre d’entre eux sont déjà apparus et le cinquième s’appellera le Bouddha Maitreya. Je vais vous citer les noms des quatre Bouddhas passés. Il s’agit de Kakusanda, Kōnagama, Kassapa et Gautama. Gautama est notre Bouddha actuel et le Sangha (la communauté des bhikkhu, bhikkhuni, upāsaka et upasikā) qui existe dans le monde aujourd’hui suit ses enseignements.
Le but de l’enseignement du Bouddha est la découverte des quatre nobles vérités, c’est-à-dire : l’insatisfaction, l’origine de l’insatisfaction, la cessation de l’insatisfaction et le sentier conduisant à la cessation de l’insatisfaction. Qu’un Bouddha soit présent dans le monde ou non, ces quatre nobles vérités existent toujours. Dans les sutta, le terme employé pour l’insatisfaction est dukkha. Nous pouvons constater dans ce monde moderne enclin au stress et au matérialisme la vérité éclatante et omniprésente de l’insatisfaction. L’être humain par nature, en raison de ses innombrables désirs, est insatisfait. Même s’il reçoit beaucoup plus que ce dont il a besoin, il demeure toujours insatisfait. C’est pour cela que l’enseignement du Bouddha est très précieux et unique. Très peu de personnes, même à l’époque du Bouddha, ont eu une véritable prise de conscience des quatre nobles vérités et les ont réalisées. Le Bouddha nous a conseillé de ne pas accorder trop d’importance à l’Amisa Dāyada (les cérémonies et les dons matériels) mais plutôt de se focaliser sur le Dhamma Dayada (la pratique du Dhamma). Les Puthujjana (les êtres ordinaires) aiment faire des offrandes au Sangha et accumuler des mérites. Les offrandes au Sangha sont bonnes en elles-mêmes, mais elles conduisent éventuellement au bonheur céleste, mais elles perpétuent le voyage dans le Samsara. En fait, il existe souvent parmi les laïcs asiatiques une compréhension erronée du Dhamma. En effet, ces derniers croient souvent que pour réaliser Nibbana, il faut être moine. Pourtant, du temps du Bouddha, il y eut de nombreux laïcs qui devinrent des Sōtapatti (des « entrants dans le courant »), c’est-à-dire ceux qui ont fait la première expérience de Nibbana. Cette expérience est d’une importance fondamentale car elle met fin à l’illusion de l’existence d’un Soi éternel (sakkāya-ditthi), au doute sceptique quant à la véracité de l’enseignement du Bouddha (viccikiccā) et à la croyance en l’efficacité des rites et des cérémonies (silabbata parāmasa). Si on ne devient pas un sōtapanna (ayant réalisé sotapatti), on n’a vu ni le Dhamma, ni le Bouddha. La réalisation de sōtapatti met un terme au risque de renaissance dans les mondes inférieurs (apāya bhûmi). Les personnes qui sont devenues des êtres nobles (ariyas) font désormais partie de l’ariya-sangha, et cela peut inclure des laïcs. Les personnes qui ne sont pas des ariyas aiment poursuivre leurs pratiques d’Amisa Puja. En raison de l’illusion (mōha), de nombreuses écoles bouddhiques différentes ont vu le jour au sein du Theravada et du Mahayana et il en est de même dans les pays asiatiques bouddhistes. Ceci-dit, il existe encore d’autres sectes, certaines dangereuses, même dans les pays bouddhistes.
Le concept de Anatta (Sanskrit Anâtman), le non-soi, n’existe que dans les enseignements du Bouddha. C’est un point très important qui forme le cœur de ses enseignements. En effet, le concept d’un soi permanent est générateur de tous les conflits que l’on constate dans le monde. Cela prend naissance au sein de la famille et s’étend même aux guerres entre les nations. Même certains pratiquants du Dhamma du Bouddha ne saisissent pas ce point et ils se revendiquent bouddhistes. En réalité, tant que nous sommes des puthujjana (des êtres ordinaires « non-nobles »), nous sommes habités par sakkāya-ditthi (l’illusion d’un Soi permanent). En Occident, des intellectuels qui écrivent des ouvrages sur le Bouddhisme ont essayé de réintroduire cette idée fausse qu’il existe un Soi permanent. Cette idée tenace est en vérité très difficile à éviter. Or, le Bouddha a enseigné qu’il existe deux vérités : la vérité conventionnelle (samuti sacca) et la vérité ultime (paramatta sacca). Du point de vue de la vérité conventionnelle, nous avons un ego et la table qui est devant nous en tant que pièce matérielle existe vraiment. Ceci-dit, du point de vue de la vérité ultime (paramatta sacca) cette table n’est qu’un agrégat d’unités atomiques insubstantielles qui se transforment constamment et notre ego naît et meurt constamment à chaque instant de conscience, qui dure moins d’un milliardième de seconde. Donc, ni notre ego, ni cet univers matériel, ne sont dotés d’une réalité propre et indépendante. De plus l’ego n’est que l’illusion de sakkāya ditthi et cette illusion est le fruit des réactions énergétiques des cinq agrégats d’appropriation (pancupādana khandha).
Dans notre société, nous prétendons être bouddhistes, et cela génère souvent beaucoup d’attachement à des étiquettes. C’est là la grande faiblesse des êtres humains qui projettent leur égocentrisme sur le « moi » collectif de groupes religieux, disant : je suis bouddhiste, je suis chrétien, je suis musulman, etc. Bouddha ne se disait pas bouddhiste, Jésus ne se disait pas chrétien non plus. Toutes ces identifications sont apparues tardivement. D’ailleurs, quand le Vénérable Ananda lui posa la question pour savoir qui serait le chef spirituel du Sangha après sa disparition, le Bouddha répondit que ce serait le Dhamma : son enseignement. Le Bouddha appelait lui-même son enseignement non le bouddhisme, mais le Dhamma-vinaya : la discipline de la loi, de l’enseignement. Dans nos sociétés, il existe des langues multiples. C’est aussi la raison pour laquelle, au sujet de la langue du Bouddha, certains mots du dialecte Magadha (le dialecte parlé à son époque dans le pays du milieu le « majjhima desa ») ne sont pas traduisibles dans des langues européennes et l’on ne peut donc en donner une définition satisfaisante dans ces langues. Il existe bien sûr un immense fossé entre les croyances théistes des religions abrahamiques et le Bouddhisme, qui est totalement non-théiste.
Pour ce qui est des écoles ultérieures du bouddhisme, appelées nikāya, elles sont nées de l’ignorance et de l’illusion. En réalité, dans le bouddhisme originel, il n’y a ni hiérarchie, ni chef ou prédicateur suprême. Les divisions apparurent dès 100 ans après le Mahāparinibbana du Bouddha lors du concile de Vaisali. En effet, à la suite de ce concile, les Mahāsanghikas (littéralement « ceux qui constituent le groupe le plus large ») se séparèrent des Theravadins car ils souhaitaient renoncer aux règles mineures de l’ordre monastique. La raison pour laquelle le deuxième concile fut tenu était le désir, né de l’ignorance, d’un groupe de moines de renoncer à dix règles de la discipline monastique. Dans le Mahāparinibbana sutta, avant de trépasser en Mahāparinibbana, le Bouddha a déclaré à Ananda et au reste du Sangha présents qu’après son trépas, si les moines souhaitaient abolir les règles mineures de l’ordre, ils le pouvaient. Or, ni Ananda, ni les autres moines présents, n’ont demandé au Bouddha quelles étaient ces règles. Un siècle plus tard, les tenants du Mahāsanghika, puis ultérieurement les tenants du Bouddhisme Mahayana naissant s’appuyèrent sur ce passage du Mahāparinibbana sutta pour se séparer des tenants du Bouddhisme ancien dont certains furent appelés les Theravadins. En fait, la forme la plus ancienne du Bouddhisme qui nous soit parvenue aujourd’hui est appelée Theravada. Ceci-dit, on ne saura jamais si elle est la forme la plus ancienne du Bouddhisme de l’histoire.
En fait, la division Theravada et Mahayana est apparue en raison des faiblesses de l’être humain et de son besoin de s’identifier par ignorance à des étiquettes. C’est dukkha, l’insatisfaction perpétuelle, qui nous pousse de façon fiévreuse et irrépressible vers le changement. En vérité, pour la survie du Sangha, l’Amisa Puja est d’une importance primordiale. Si le Bouddhisme originel avait été introduit au Tibet, en Chine et au Japon sans altération doctrinale et rituelle qui prennent en compte la culture et les croyances populaires locales, il n’aurait pas survécu dans ces pays. C’est en partie l’Amisa Puja qui a été le moteur de toutes ces transformations. Même dans les pays Theravadins, il existe des cultes locaux que les bhikkhu de cette école ont toléré. En effet, le Bouddha a déclaré que si l’on souhaitait le voir, il fallait réaliser son enseignement (yo dhammaṃ passati sō maṃ passati). Mais au niveau des faveurs mondaines et matérielles, le Bouddha ne dit rien. Ainsi, les Cinghalais au Sri Lanka, rendent des cultes à Vishnu, Ganesha dans les temples, les Birmans invoquent les Nats, etc. C’est pourquoi l’enseignement du Bouddha est de ce point de vue d’une grande tolérance. Les Mahayanistes et les Vajrayanistes doivent aussi être considérés comme des disciples du Bouddha. Il faut travailler avec eux de concert pour répandre la paix et la sérénité dans ce monde. Les divisions des Sanghas entre elles affaiblissent le Bouddhisme au niveau mondial. Le Bouddha avait déclaré dans le Dhammapada : « sukhō sanghassa sāmaggi » (L’unité du Sangha est un grand bonheur).
Dans le Dhamma, le Bouddha invite les élèves de son école à venir voir (éhipassikō) et expérimenter l’enseignement par eux-mêmes, sans croyance en un dogme révélé ou en un Dieu. Même le Dhamma peut être abandonné sitôt qu’il est réalisé, à l’image de la parabole du radeau que l’on peut abandonner une fois la rivière traversée. La rivière symbolise ici le Samsāra et l’autre rive atteinte par le voyageur symbolise Nibbāna. Selon la tradition Theravada, il n’y a ni conversion, ni baptême et le mariage dans cette tradition n’est pas un sacrement mais plutôt un événement entièrement social.
Dans le Brahmajāla Sutta, le Bouddha avait déclaré à ses disciples que si quelqu’un le critiquait sévèrement, il ne fallait pas se mettre en colère, car cela constituerait une entrave pour son développement spirituel : « Ne soyez pas blessés quand d’autres personnes me critiquent, critiquent mes enseignements ou mes disciples. Il faut plutôt analyser calmement cette critique pour voir si elle est fondée ou non. » De même, si quelqu’un louait le Bouddha et son enseignement, il ne fallait pas s’en enorgueillir car l’orgueil ainsi cultivé constitue une entrave sur le sentier spirituel. Il faut clairement et calmement considérer si les louanges ainsi prononcées sont justifiées ou non.
L’enseignement du Bouddha met l’accent sur un point très important qui est le développement des états sublimes (catur brahma vihāra) : Mettā (l’amitié bienveillante), karunā (la compassion), muditā (la joie sympathique) et upekkhā (l’équanimité). Upekkhā est particulièrement difficile à cultiver car ne pas s’attacher aux expériences agréables et plaisantes et ne pas non plus concevoir d’inimitié ou de colère envers les expériences douloureuses est une pratique difficile qui fait appel au satipatthāna (l’établissement de l’attention). Si nous développons toutes ces qualités, alors nous pouvons vivre dans une société où il y aura plus de paix et d’harmonie. Ainsi, la barrière des religions et des identifications constitue une entrave à la paix et à l’harmonie au sein des sociétés humaines.
Une autre doctrine fondamentale qui forme le cœur du Bouddhisme est celle du « Paticcasamuppāda » : la coproduction conditionnée. Cette doctrine nous invite à comprendre qu’il n’existe pas d’origine unique ou cause première à l’apparition du monde des phénomènes mentaux et matériels. Elle consiste en 12 liens interdépendants depuis avijjā (l’ignorance) jusqu’à maranaṃ (la mort). Le principe du Paticcasamuppāda consiste au fait qu’il se perpétue de manière continuelle tel un cycle. Une série de Paticcasamuppāda dure un instant de conscience de moins d’un milliardième de seconde et une autre série lui succède et ainsi de suite. Avijjā (l’ignorance) n’est donc pas l’origine, l’essence originelle des autres liens de la chaîne d’une coproduction conditionnée, car elle est conditionnée et dépend des 11 autres facteurs. Du point de vue de l’Abhidhamma (la science d’investigation dans les réalités ultimes), un « ego » dure seulement un instant de conscience et ensuite meurt, pour laisser la place à l’apparition d’un nouvel ego. En fait, la mort physique ne correspond qu’à une des innombrables morts de l’ego illusoire qui se produisent dans une existence humaine, et celui qui a réalisé le Dhamma et qui a contemplé le Paticcasamuppāda n’a plus aucune peur de mourir. Même si l’on devient sōtapatti : « l’entrant dans le courant » où l’on fait la première expérience de Nibbâna, avijjā n’est pas encore éradiqué. En fait, pour ce qui est de la coproduction conditionnée, l’expérience de sōtapatti met provisoirement fin à avijja et on effectue alors le Paticcasamuppāda en ordre inverse appelé patilōma : dépendantes de la cessation de l’ignorance, les formations conditionnées cessent, etc. Ceci-dit, pour que le Paticcasamuppāda soit définitivement éradiqué dans le mental d’un méditant, il faut avoir fait la 4ème expérience de Nibbâna et être définitivement libéré des souillures du mental (kilesa) en devenant un Arahant.
***