N°5
Samadhi Bouddha Statue - Anuradhapura - Sri Lanka IV-Ve Siècle
#15 - LA PERFECTION DU DON
par l’Acariya Dhammapala
D’après le Cariyapitaka Atthakatha, traduit par Bhikkhu Bodhi dans //Le Discours sur l’ensemble tout-pénétrant des Vues: Le Brahmajala Sutta et ses commentaires// (BPS, 1978), pp. 289-96,
pp. 322-23.
La perfection du don doit être pratiquée afin d’en faire bénéficier les êtres par des voies diverses – en abandonnant notre propre bonheur, nos possessions, notre corps et notre vie pour les autres, en dissipant leur peur et en les instruisant dans le Dhamma.
Ici, donner est de nature triple par le biais de l’objet destiné au don: le don de choses matérielles (//amisadana//), le don de l’absence de peur (//abhayadana//), et le don du Dhamma (//dhammadana//). Parmi ces derniers, l’objet destiné au don peut être de deux sortes: interne et externe. Le don externe est de dix sortes: nourriture, boisson, vêtements, véhicules, guirlandes, parfums, onguents, literie, habitations et lampes. Ces dons, à nouveau, deviennent multiples si l’on analyse leurs constituants, e.g., la nourriture en nourriture lourde, nourriture légère, etc. Le don externe peut être aussi de six sortes quand il est analysé par le biais des objets de perception sensorielle: formes visibles, sons, odeurs, goûts, tangibles, et des objets non-sensoriels. Les objets sensoriels, tels que les formes visibles, deviennent multiples quand ils sont analysés en tant que bleu, etc. Donc aussi, le don externe est multiple par le biais des divers objets de valeur et possessions, tels que les joyaux, l’or, l’argent, les perles, le corail, etc.; les champs, les terrains, les parcs, etc.; les esclaves, les vaches, les buffles, etc.
Quand le Grand Homme (le Bodhisatta) fait don d’un objet externe, il donne tout ce qui est nécessaire à quiconque se trouve dans le besoin d’une telle chose; et sachant par lui-même que quelqu’un est dans le besoin de quelque chose, il le donne même si aucune demande n’est formulée, donnant beaucoup plus quand cela lui est demandé. Il donne suffisamment, non insuffisamment, quand quelque chose est destinée au don. Il ne donne pas parce qu’il espère quelque chose en retour. Et quand il n’y a pas assez de choses pour satisfaire les besoins de tous, il distribue de façon équitable tout ce qui peut être partagé. Mais il ne donne pas des choses qui provoquent de la souffrance chez autrui, telles que des armes, des poisons et des intoxicants. Il ne fait pas don non plus d’articles d’amusements qui sont nuisibles et qui conduisent à la négligence. Et il ne donne pas de nourriture ou une boisson inappropriée à une personne qui est malade, quand bien même cette dernière en demanderait, et il ne donne pas ce qui est approprié au-delà des justes proportions.
A nouveau, quand on le lui demande, il donne aux maîtres de maisons des choses qui sont appropriées pour les maîtres de maison, et aux moines des choses qui sont appropriées pour les moines. Il fait des dons à sa mère et à son père, compatriotes et proches, amis et collègues, enfants, épouse, esclaves et travailleurs, sans infliger la moindre souffrance à quiconque. Ayant promis un don excellent, il ne donne pas quelque chose de méchant. Il ne donne pas parce qu’il désire des gains, des honneurs, ou la gloire, ou parce qu’il espère quelque chose en retour, ou parce qu’il espère quelque bénéfice différent de l’illumination suprême. Il ne donne pas en détestant le don lui-même ou ceux qui le demandent. Il ne donne pas un objet rejeté comme don, pas même aux mendiants non restreints qui le méprisent et l’injurient. D’une humeur égale il donne avec soin, avec un esprit serein, rempli de compassion. Il ne donne pas avec la croyance en des présages superstitieux: mais il donne en croyant au kamma et à ses fruits.
Quand il donne il n’afflige point ceux qui réclament un don en les contraignant à lui rendre des hommages, etc.; mais il donne sans affliger autrui. Il ne fait pas un don avec l’intention de décevoir autrui ou avec l’intention de blesser quelqu’un; il donne seulement avec un esprit sans souillures. Il ne fait pas un don avec des paroles rudes ou un froncement de sourcils, mais avec des paroles affectueuses, un discours convivial et un sourire sur son visage.
Quelle que soit l’avidité vis à vis d’un objet spécifique qui devient excessive, en raison de sa grande valeur et de sa beauté, son antiquité, ou de l’attachement qu’il suscite, le Bodhisatta reconnaît son avidité, la dissipe rapidement, recherche des bénéficiaires, et il l’abandonne. Et s’il y a un objet de valeur limitée qui peut être donné ou un suppliant qui le réclame, sans arrière-pensée il le lui donne, en l’honorant comme s’il était un sage non encore révéré. Demandé par ses propres enfants, son épouse, ses esclaves, ses travailleurs et ses servants, le Grand Homme ne leur fait point de dons s’ils n’en sont point désireux, affligés par le chagrin. Mais quand ils le souhaitent et remplis de joie, alors il leur en fait don. Mais quand il sait que ceux qui le demandent sont des êtres démoniaques -- ogres, démons ou lutins – ou hommes aux penchants cruels, alors il ne leur donne rien. Donc aussi, il ne cédera point son royaume à ceux qui ont l’intention de faire du mal, provoquer de la souffrance et de l’affliction dans le monde, mais il le donnera aux hommes justes et droits qui protègent le monde avec le Dhamma.
Ceci, premièrement, est la voie pour pratiquer les dons externes.
Le don interne devrait être compris de deux manières différentes. Comment? De la même manière qu’un homme, aux fins d’obtention de nourriture et de vêtements, s’abandonne à un autre et se réduit à la servitude et à l’esclavage, de cette manière le Grand Homme, qui souhaite le bien-être suprême et le bonheur de tous les êtres, désirant atteindre sa propre perfection dans le don, avec un esprit enclin à la spiritualité, aux fins de réaliser l’illumination, s’abandonne à un autre et se réduit à la servitude, se mettant à la disposition d’autrui. Quels que soient les membres ou organes de son corps qui seront nécessaires à autrui -- mais, pieds, yeux, etc. -- il les abandonne à ceux qui en ont besoin, sans trembler et sans se recroqueviller. Il n’est plus attaché à eux et ne montre plus de réticences (à en faire don à autrui), comme s’il était des objets externes. Ainsi le Grand Homme abandonne un objet interne de deux façons différentes: pour le plaisir d’autrui selon sa nature; ou, tandis qu’il exauce le souhait de ceux qui le demandent, pour sa propre maîtrise de soi. Dans ce domaine il est totalement généreux, et pense: "Je réaliserai l’illumination par le non-attachement." De cette manière le don d’objet interne devrait être compris.
#16 - SAGGA
Dans la cosmologie bouddhiste, les mondes célestes sont des demeures béatifiques où les habitants présents (les deva) obtiennent une renaissance grâce au pouvoir de leurs actions méritoires passées. Telles tous les êtres encore prisonniers du samsara, toutefois, ces déités succombent finalement à la vieillesse, à la maladie et à la mort, et doivent finalement renaître dans d’autres mondes — plaisants ou non — conformément à la qualité et à la force de leur kamma passé. Les deva ne sont pas toujours doués de connaissance ni mûrs spirituellement — en fait beaucoup sont très intoxiqués par le fait de s’adonner aux plaisirs sensuels — et aucun d’entre eux n’est considéré digne de vénération et de culte. Néanmoins, les deva et leurs royaumes heureux nous rappellent de façon importante à la fois les bénéfices de bonheur qui sont le fruit de l’accomplissement d’actions habiles et méritoires et, finalement, les défauts ultimes de la sensualité.
Une renaissance rare
Aveugle est ce monde — bien peu d’entre nous perçoivent ceci clairement! Semblables à des oiseaux qui se sont échappés d’un filet et qui sont peu nombreux, peu nombreux sont les êtres qui en font un paradis.
— Dhp 174
Voyant par soi-même
"J’ai vu des êtres qui — doués d’une bonne conduite physique, d’une bonne conduite verbale, & d’une bonne conduite mentale; qui ne dénigraient pas les Êtres Nobles, qui adhéraient à des visions justes et qui entreprenaient des actions inspirées de visions justes — au moment de la brisure du corps, après la mort, sont réapparus dans des destinations heureuses, le monde céleste. C’est en raison du fait que j’ai entendu ceci d’autres Brahmanes & contemplatifs que je vous dis que j’ai vu des êtres qui — doués d’une bonne conduite physique, d’une bonne conduite verbale, & d’une bonne conduite mentale; qui ne dénigraient pas les Êtres Nobles, qui adhéraient à des visions justes et qui entreprenaient des actions inspirées de visions justes — au moment de la brisure du corps, après la mort, sont réapparus dans des destinations heureuses, le monde céleste. C’est en raison du fait que l’ayant connu par moi-même, l’ayant vu par moi-même, l’ayant réalisé par moi-même que je vous dis que j’ai vu des êtres qui — doués d’une bonne conduite physique, d’une bonne conduite verbale, & d’une bonne conduite mentale; qui ne dénigraient pas les Êtres Nobles, qui adhéraient à des visions justes et qui entreprenaient des actions inspirées de visions justes — au moment de la brisure du corps, après la mort, sont réapparus dans des destinations heureuses, le monde céleste."
— Iti 71
Se souvenant des deva
"De surcroît, vous devriez vous souvenir des deva: 'Il y a les deva des Quatre Grands Rois, les deva des Trente-Trois, les deva des Heures, les deva réjouis, les deva qui se délectent de la création, les deva qui ont du pouvoir sur les créations des autres, les deva de la suite de Brahma, les deva situés au-delà d’eux. Quelle que soit la conviction dont ils étaient habités — quand ils sont déchus de cette vie — ils réapparaissent là-bas, le même type de conviction est présent en moi-même également. Quelle que soit la virtue dont ils étaient habités — quand ils sont déchus de cette vie — ils réapparaissent là-bas, le même de vertu est présent en moi-même également. Quelle que soit la connaissance dont ils étaient habités — quand ils sont déchus de cette vie — ils réapparaissent là-bas, le même type de connaissance est présent en moi-même également. Quelle que soit la générosité dont ils étaient habités — quand ils sont déchus de cette vie — ils réapparaissent là-bas, le même type de générosité est présent en moi-même également. Quel que soit le discernement dont ils étaient habités — quand ils sont déchus de cette vie — ils réapparaissent là-bas, le même type de discernement est présent en moi-même également.' A tout moment quand un disciple des êtres nobles se souvient de la conviction, de la vertu, de la connaissance, de la générosité et du discernement présents en lui-même et chez les deva, son esprit n’est pas vaincu par la passion, pas vaincu par l’aversion, pas vaincu par l’illusion. Son esprit demeure ferme, basé sur les [qualités des] deva. Et quand l’esprit demeure ferme, le disciple des êtres nobles entrevoit un sens du but, entrevoit un sens du Dhamma, il obtient une joie en lien avec le Dhamma. Chez celui qui est joyeux, le ravissement surgit. Chez celui qui est saisi de ravissement, le corps s’apaise. Chez celui dont le corps est apaisé les expériences cessent. Chez celui qui est à l’aise, l’esprit devient concentré."
— AN 11.12
Heureux, mais à la sagesse limitée
"Une fois, Kevatta, cette forme de pensée surgit dans le champ de conscience d’une certain moine dans cette communauté-même de moines: 'Où donc ces quatre grands éléments — la propriété de la terre, la propriété liquide, la propriété du feu, et la propriété de l’air — cessent-ils sans reste?' Puis il atteignit un tel état de concentration que la voie conduisant aux dieux apparut dans son esprit concentré. Ainsi il approcha les dieux de la suite des Quatre Grands Rois et, en arrivant, il leur demanda, 'Amis, Où donc ces quatre grands éléments — la propriété de la terre, la propriété liquide, la propriété du feu, et la propriété de l’air — cessent-ils sans reste?'
"Quand ceci fut dit, les dieux de la suite des Quatre Grands Rois dirent au moine, 'Nous aussi nous ne savons pas où les quatre grands éléments... cessent sans reste. Mais il existe Quatre Grands Rois qui sont plus élevés et plus sublimes que nous. Ils devraient savoir où les grands éléments... cessent sans reste.'
"Donc le moine approcha les Quatre Grands Rois et, en arrivant, leur demanda, 'Amis, où donc ces quatre grands éléments... cessent-ils sans reste?'
"Quand ceci fut dit, les Quatre Grands Rois dirent au moine, 'Nous aussi nous ne savons pas où les quatre grands éléments... cessent sans reste. Mais il existe les dieux des Trente-Trois qui sont plus élevés et plus sublimes que nous. Ils devraient savoir...'
"Donc le moine approcha les dieux des Trente-Trois... Sakka... les dieux Yama... Santusita... les dieux Nimmanarati... Sunimmita... les dieux Paranimmitavasavatti... les dieux de la suite de Brahma...
"Alors le moine atteignit un tel état de concentration que la voie conduisant aux dieux de la suite de Brahma apparut dans son esprit concentré. Donc il approcha les dieux de la suite de Brahma et, en arrivant, il leur demanda, 'Amis, où donc ces quatre grands éléments — la propriété de la terre, la propriété liquide, la propriété du feu, et la propriété de l’air — cessent-ils sans reste?'
"Quand ceci fut dit, les dieux de la suite de Brahma dirent au moine, 'Nous aussi nous ne savons pas où les quatre grands éléments... cessent sans reste. Mais il y a Brahma, le Grand Brahma, le Conquérant, le Non-conquis, l’Omniscient, le Très-Puissant, le Seigneur Souverain, le Faiseur, le Créateur, le Chef, le Désignateur et Régent, le Père de Tout ce qui a Été et qui Sera. Il est plus élevé et plus sublime que nous. Il devrait savoir...'
"'Mais, amis, où est donc le Grand Brahma maintenant?'
"'Moine, nous ne savons pas aussi où est Brahma et de quelle façon Brahma se manifeste. Mais quand les signes apparaissent, quand la lumière brille, et qu’une luminescence apparaît, Brahma apparaît. Car ce sont les prodiges de l’apparence de Brahma: la lumière brille et une luminescence apparaît.'
"Puis il se passa peu de temps avant que Brahma n’apparaisse.
"Donc le moine approcha le Grand Brahma et, en arrivant, il dit, 'Ami, où donc ces quatre grands éléments — la propriété de la terre, la propriété liquide, la propriété du feu, et la propriété de l’air — cessent-ils sans reste?'
"Quand ceci fut dit, le Grand Brahma dit au moine, 'Moi, moine, je suis Brahma, le Grand Brahma, le Conquérant, le Non-conquis, l’Omniscient, le Très-Puissant, le Seigneur Souverain, le Faiseur, le Créateur, le Chef, le Désignateur et Régent, le Père de Tout ce qui a Été et qui Sera.'
"Une seconde fois, le moine dit au Grand Brahma, 'Ami, je ne vous demandai pas si vous étiez Brahma, le Grand Brahma, le Conquérant, le Non-conquis, l’Omniscient, le Très-Puissant, le Seigneur Souverain, le Faiseur, le Créateur, le Chef, le Désignateur et Régent, le Père de Tout ce qui a Été et qui Sera. Je vous demandai si ces quatre grands éléments — la propriété de la terre, la propriété liquide, la propriété du feu, et la propriété du vent — cessent-ils sans reste.'
"Une seconde fois le Grand Brahma dit au moine, 'Moi, moine, je suis Brahma, le Grand Brahma, le Conquérant, le Non-conquis, l’Omniscient, le Très-Puissant, le Seigneur Souverain, le Faiseur, le Créateur, le Chef, le Désignateur et Régent, le Père de Tout ce qui a Été et qui Sera.'
"Une troisième fois...
"Puis le Grand Brahma, prenant le moine par le bras et le conduisant sur un côté, il lui dit, 'Ces dieux de la suite de Brahma croient, "Il n’existe rien que le Grand Brahma ne sait pas. Il n’existe rien que le Grand Brahma ne voit pas. Il n’existe rien dont le Grand Brahma ne soit pas conscient. Il n’existe rien que le Grand Brahma n’ait pas réalisé." C’est pourquoi je ne dis pas en leur présence que moi, aussi, je ne sais pas où les quatre grands éléments... cessent sans reste. Donc vous avez agi par erreur, vous avez agi incorrectement, en passant outre le Bienheureux à la recherche d’une réponse à cette question vers d’autres sources. Revenez immédiatement vers le Bienheureux et, en arrivant, posez lui cette question. Quoiqu’il vous réponde, vous devriez le prendre à cœur.'
"Puis — de la même manière qu’un homme fort pourrait étendre son bras fléchi ou fléchir son bas étendu — le moine disparut du monde de Brahma et apparut immédiatement en ma présence. S’étant prosterné devant moi, il s’assit sur un côté. Tandis qu’il était assis il me dit, 'Vénérable monsieur, où donc ces quatre grands éléments — la propriété de la terre, la propriété liquide, la propriété du feu, et la propriété de l’air — cessent-ils sans reste?'
"Quand ceci fut dit, je lui dis, 'Jadis, moines, quelques marins marchands prirent avec eux un oiseau pour guetter le rivage et mirent les voiles de leur bateau. Quand ils ne pouvaient pas voir le rivage, ils envoyèrent l’oiseau pour qu’il guette le rivage. Il vola vers l’est, le sud, l’ouest, le nord, vers le haut, et vers tous les points intermédiaires de la boussole. S’il voyait le rivage dans quelque direction que ce soit, il volait là-bas. S’il ne voyait aucun rivage dans quelque direction que ce soit, il revenait tout droit vers le bateau. De la même manière, moine, étant allé aussi loin que dans le monde de Brahma pour une réponse à votre question, vous êtes revenu tout de suite en ma présence.'"
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