Centre Bouddhique International

le Bourget - France

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Samadhi-Bhavana dans le Bouddhisme

Par

Bhanté Parawahera Chandaratana – Centre Bouddhique International du Bourget

 

 

 

 



La méthode de raccourci pour les êtres ordinaires

Le système complet du Bouddha
Notre plus grand devoir
Rien en excédent
(Sélections de passages d'un discours donné le 5 Mai1987)


Il existe de nombreuses formes, styles, et systèmes de samadhi-bhavana (culture mentale par la concentration, méditation). Aujourd'hui j'aimerais discuter au sujet de samadhi-bhavana telle qu'elle fut spécifiquement introduite et recommandée par le Bouddha lui-même. Elle apparaît dans le Pali Tipitaka à la fois sous la forme de références brèves et d'explications détaillées. Nous l'appelons "le samadhi-bhavana du Bouddha." ce n'est pas le style Birman ou Chinois ou encore Sri Lankais auxquels nous nous consacrons ces jours-ci. Ce n'est pas le système de Ajahn ceci, de maître cela, Guru ceci, ou Professeur cela dans lequel nous nous sommes enfermés ces jours-ci. Ce n'est pas non plus le style de Suan Mokkh ou tout autre Wat. Ce n'est rien de toutes ces choses. Au lieu de tout cela, c'est la voie correcte recommandée par le Bouddha. Il déclara que cette forme de samadhi-bhavana était celle par laquelle il avait réalisé le Dhamma de l'Éveil parfait. Nous allons parler de ce style de samadhi-bhavana en particulier. (C.1)

 

C'est le système de samadhi-bhavana qui est connu sous le nom de anapanasati-bhavana ou, plus simplement, Anapanasati. Il contient en tout seize étapes ou objets qui doivent être pratiqués. Il semble, cependant, que certaines personnes n'aiment pas cela et se plaignent que c'est trop leur demander. Concernant ce point, j'insiste sur le fait que le Bouddha n'a jamais enseigné quelque chose qui n'était pas nécessaire ou incomplet. C'est à dire que cette méthode de samadhi-bhavana en 16 étapes n'est ni de trop ni trop peu. Si vous êtes assez patient pour parcourir les seize étapes, vous trouverez le système complet. Si vous êtes incapable de le faire, il existe quand même une version condensée qui est adéquate pour les personnes fainéantes. (C.2)

LA MÉTHODE DE RACCOURCI POUR LES ÊTRES ORDINAIRES

Nous commencerons par parler pour ceux qui n'aiment pas « beaucoup » Par le mot "beaucoup" ils semblent signifier trop ou en surplus. Bien, le surplus n'est pas nécessaire. Nous prendrons juste ce qui est suffisant pour les êtres ordinaires, que nous appelons « la méthode de raccourci ». L'essence de cette méthode consiste à concentrer le mental de façon adéquate, juste assez, ce que n'importe quelle personne ordinaire peut faire, et ensuite utiliser ce Citta concentré afin d'observer aniccam-dukkham-anatta – les trois caractéristiques de l'être – jusqu'à la réalisation de sunyata et de tathata. Avec cette pratique ils réaliseront autant les bénéfices du samadhi. Ils obtiendront les résultats de « l'échelle amusante » qui consiste à éradiquer dukkha, mais il n'y aura pas de qualités spéciales en addition à cela. De telles capacités spécifiques ne sont pas nécessaires de toutes façons. Donc rendez l'esprit suffisamment concentré, puis examinez aniccam-dukkham-anatta. Pratiquez juste la première tétrade de Anapanasati suffisamment puis pratiquez la quatrième tétrade suffisamment. C'est tout ! Suffisant n'est pas beaucoup, ce n'est pas complet non plus, mais c'est déjà assez bien. C'est le raccourci pour les personnes ordinaires. (C.3)

Maintenant nous allons aborder la première méthode consistant à pratiquer la première tétrade. Rendez la respiration subtile et le corps entier sera subtil aussi, c'est-à-dire tranquille et calme. C'est juste suffisant pour avoir un esprit bien disposé à la pratique de vipassana. Puis Citta atteint un niveau tel qu'il parvient à contempler aniccam-dukkham-anatta qui se manifeste dans chaque partie et particule de notre corps. L'impermanence, l'insatisfaction, et l'absence de soi dans chaque organe et composante de notre corps – à la fois physique et mental - sont contemplées jusqu'à la réalisation de la quiddité. Quand la quiddité est contemplée, nous ne sommes plus assujettis au pouvoir du dualisme. C'est suffisant. Ce niveau de contemplation est suffisant pour pénétrer de plus en plus dans le Dhamma jusqu'à la réalisation de l'Ultime. C'est le raccourci pour les personnes ordinaires. Ceux qui vivent dans le monde ordinaire de tout un chacun – même ceux qui mènent une vie de couple – sont capables de faire au moins cela. (C.4)

LE SYSTÈME COMPLET DU BUDDHA

Maintenant nous allons parler du système que le Bouddha a lui-même pratiqué et expliqué. C'est le système complet ou parfait, au lieu du raccourci, c’est-à-dire la forme complète de Anapanasati en quatre tétrades. S'il vous plaît, soyez patient et prenez le temps d'écouter. Vous devriez être en mesure de comprendre quelque chose à ce sujet et ensuite vous en tirerez certainement des bénéfices. Si vous pensez toujours que c'est excessif ou en surplus, alors c'est que vous n'avez véritablement rien compris du tout. (C.5)

Nous pouvons pratiquer divers exercices de respiration de manière à comprendre ce phénomène respiratoire en observant ces respirations. Désormais nous savons que le souffle soutient et sert ce corps fait de chair. Cela a été connu au cours des âges de l'humanité, même avant que le Bouddha apparaisse dans le monde. Il existait de nombreuses méthodes de pranayama pratiquées avant l'époque du Bouddha. Quand le Bouddha apparut, il entreprit la pratique de pranayama et il l'adapta à son système de contemplation du souffle. Nous régulons la vie et le corps au travers de la respiration. En conséquence, il existe quatre étapes dans la pratique : connaître la longue respiration, connaître la respiration courte, savoir comment le souffle régule le corps, et contempler la respiration de manière à ce qu'elle s'apaise de sorte que le corps s'apaise aussi. Ce sont les quatre étapes. Elles ne sont pas en trop. Pourquoi ne pas essayer de les pratiquer ! Observez-les sincèrement et étudiez-les de façon authentique et scientifique. Alors ce ne sera pas difficile. (C.6)

Il existe de nombreux avantages et bénéfices à observer le pranayama qui sont sans liens directs avec la religion ou le Dhamma. Ils sont des incitations supplémentaires à vous intéresser au pranayama où contrôle du souffle, de sorte que vous gérerez la pratique correctement. Vous pouvez rallonger la durée de votre vie au-delà de la normale grâce au pranayama. Ou bien vous pourriez provoquer votre mort de manière immédiate, même aujourd'hui. Vous pouvez mourir au moment de n'importe quelle respiration que vous choisissez en contrôlant le pranayama. Vous pouvez avoir une respiration saine et un bon corps en bonne santé grâce au pranayama. Vous pouvez pratiquer des sports, conduire une voiture, travailler dans un bureau, ou obtenir tout ce que vous souhaitez, si vous régulez le souffle ou le prana de la manière qui est en harmonie avec vos desseins. Nous souhaitons que vous sachiez que Anapanasati procure ces bénéfices secondaires en dehors du domaine religieux ou du Dhamma. (C.7)

NOTRE PLUS GRAND DEVOIR

La dernière tétrade renvoie au Dhamma : la nature et la Vérité de la nature. Quand Citta est sous contrôle et obtient le samadhi qui est nécessaire, utilisez ce Citta pour vous acquitter de la plus haute tâche. Par la plus haute tâche, nous signifions la tâche de connaître et de réaliser la Vérité. Grâce à vipassana, en observant (les phénomènes) avec vigilance et avec un esprit concentré, nous voyons la Vérité de toutes les choses. Nous réalisons que tous les phénomènes sont impermanents. Tout ce que nous expérimentons dans le présent est impermanent. Même les choses dont nous ne sommes pas conscients sont impermanentes, c'est à dire, en changement et transformations perpétuels. La seule exception s'applique à nibbana, la seule chose qui ne change jamais. Ainsi, nous connaissons l'aspect aniccam de toutes choses. De surcroît, le fait de l'impermanence nous opprime et nous force à expérimenter dukkha. En vérité, cet état de dukkha ne peut être enduré par qui que ce soit ; il n'existe pas de soi ou d'âme qui puisse se dresser face à elle. C'est anatta. Et donc nous réalisons aniccam-dukkham-anatta. Appréhendés ensemble, nous les appelons sunnata, vacuité du soi. Ensuite connaissez tathata, la quiddité ou "juste comme ça." Ceci est la première étape de la quatrième tétrade. Cela s'appelle "aniccam-nupassi." Ce seul mot englobe la réalisation de aniccam-dukkham-anatta-sunnata-tathata ! Ils sont regroupés ensemble dans la même phase, car ils sont tous la résultante du fait de percevoir aniccam de façon directe. (C.8)

En continuant, nous voyons ceci : Oh ! Une fois que aniccam est contemplé, une fois que l'impermanence est réalisée, l'attachement commence à s'estomper. Il se dissout et s'estompe petit à petit. Cela s'appelle réaliser viraga. Réalisant cette dissolution de l'attachement mène à : Oh ! C'est fini, l'attachement est « caput » ! Cela s'appelle réaliser nirodha : l'extinction complète de toutes les souillures et de dukkha. Si dukkha est éradiqué, alors nous réalisons : Oh ! Maintenant c'est fini pour de bon, maintenant c'est complètement terminé. Nos fonctions et devoirs ont été réalisés et terminés. Il ne reste rien d'autre à faire. Il n'existe pas de dukkha ou de problèmes restants auxquels nous devrions être confrontés à nouveau. Cela s'appelle patinissagga : le jeter tout au loin. Il ne reste plus rien. C'est la tétrade finale, dhammanupassana, concernant la Vérité (sacca) de toutes choses. (C.9)

RIEN EN EXCÉDENT

Vous pouvez vérifier par vous-même s'il y a quelque chose en excédent ou pas. Nous étudions au début dukkha elle-même et la cause de l'apparition de dukkha. Puis nous étudions les fondements à partir desquels dukkha se manifeste : le corps et vedana. Nous poursuivons notre étude en examinant la chose qui expérimente, que ce soit dukkha ou bien l'absence de dukkha, c’est-à-dire Citta. Finalement, nous étudions le Dhamma - la Vérité de toutes choses – de sorte que Citta connaît, connaît, connaît, à tel point qu'il ne s'attache à rien. Nous connaissons le lâcher-prise.

Il y a beaucoup de choses à faire. Pour y arriver, notre pratique doit être complète. Ainsi, il existe 16 étapes. Mais tandis que j'en parle et que je vous les explique, elles ne semblent pas excessives ou en excédent. Vraiment, il existe tellement de sujets à étudier et à connaître que le fait d'avoir seulement 16 étapes à franchir n'est pas excessif du tout. Certaines personnes diraient que c'est trop, qu'elles ne veulent pas les étudier et les pratiquer. Si elles ne pensent pas que cela peut les aider, bien, qu'elles fassent alors ce qui leur convient. Quiconque ne souhaite pas étudier et s'entraîner dans les 16 étapes complètes peut suivre une pratique condensée telle qu'elle a été expliquée précédemment. C'est déjà suffisant pour tirer un certain bénéfice des enseignements bouddhiques grâce à la technique de samadhi-bhavana.

 

Nous, en tant que bouddhistes qui vivent ici en Europe plus de deux mille cinq cents années après Bouddha, nous devons respecter les maîtres et les enseignements et les adeptes des autres confessions avec qui nous vivons ensemble en France. Bouddhistes, chrétiens, hindous, juifs, musulmans ou agnostiques – ce sont des étiquettes qui ne nous informent pas sur la qualité de l’homme. Parmi les fidèles des autres confessions, il doit y avoir de très bons bouddhistes, qui, sans même le savoir, observent parfaitement la compassion, l’amour bienveillant, et tous les autres préceptes de ma religion. Prenons une rose : son odeur embaume notre jardin, sa beauté nous réjouit. Nous pouvons donner d’autres noms à cette rose, mais l’odeur agréable restera de toute façon la même.
                                                                                                                                              
Les différentes religions devraient coopérer pour un monde plus paisible. Si on essaye de comprendre le vrai message des différents fondateurs de religions, on trouvera que c’est notre obligation prescrite par chacune de nos écritures saintes. Permettez-moi de réciter un Sutta de ma confession pour prouver cela du côté des bouddhistes :
« mâtâ yathâ niyam puttam-âyusâ ekaputtam anurakkhe
evampi sabba bhùtesu -mânasam bhâvaye aparimânam »
« Ainsi qu’une mère au péril de sa vie
surveille et protège son unique enfant,
ainsi avec un esprit sans entraves
doit-on chérir toute chose vivante. »

 

 

 

 

 

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 Samadhi Bouddha Statue - Anuradhapura - Sri Lanka  IV-Ve Siècle