Centre Bouddhique International

le Bourget - France

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Samatha et Vipassana

Par

Bhanté  Parawahera Chandaratana - Centre Bouddhique International du Bourget

 

 

 

 

 

Il existe deux sortes de maladies dans le corps humain. Les maladies physiques et les maladies mentales. Peut-être que certaines personnes peuvent être affranchies de maladies physiques 1, 2 ou 100 ans. Toutefois, à l’exception des arahants, aucun être humain ne peut vivre même une seconde sans être affligé par une maladie mentale. En effet, le seul fait d’avoir des souillures mentales, par exemple l’orgueil, le lucre, la haine, la colère, etc. constituent une source de maladie mentale qui est le lot des êtres ordinaires, les « puthujjana », ainsi que ceux parmi les ariyas, c’est-à-dire les êtres nobles, qui n’ont pas encore réalisé l’état d’arahant.

 

L’éducation bouddhique et particulièrement les méditations qu’elle nous enseigne pour réaliser l’équilibre mental, la paix intérieure, la régulation des réactions du mental par l’équanimité, la concentration et le calme, etc. sont un véritable trésor pour le progrès spirituel de l’humanité.
C’est pour cela que la méditation bouddhique conduit au développement précieux du mental.

 

Mais il est fort dommage que la plupart des Bouddhistes et des non-Bouddhistes ignorent la valeur exacte de ces pratiques méditatives. La plupart des personnes dans la société pensent que la méditation nous incite à abandonner toutes les actions dans le monde. Elles pensent erronément que le méditant passe ses journées assis jambes croisées devant une statue de Bouddha. Si une personne a des connaissances poussées au sujet de la méditation bouddhique, alors une telle pensée ne lui traverse pas l’esprit.
Dans notre société on constate que la plupart des Bouddhistes attachent une grande importance aux rituels. Pourtant le Bouddha de son temps n’a guère encouragé ses disciples à pratiquer des rituels.

 

Dans la pratique bouddhique, il existe deux sortes de puja (culte) :

 

L’amisa puja
Le patipati  puja
L’amisa puja est moins conseillé par le Bouddha que le patipati puja. L’amisa puja a quand même son utilité pour certaines activités de notre vie quotidienne. Il constitue un palier qui conduit ensuite à la méditation (bhâvanâ). Mais la plupart des Bouddhistes ne se rendent pas compte que seul le patipati puja permet de progresser de manière significative sur la voie conduisant à la libération de la souffrance.
Le terme Bouddhiste est dérivé du terme Pali buddhi qui signifie sagesse. La pratique de l’enseignement du Bouddha nous conduit vers la sagesse. Les rituels ne sont pas utiles ni pertinents pour comprendre l’enseignement du Bouddha.

 

Il est essentiel de comprendre que l’enseignement du Bouddha n’est pas basé sur les croyances et la foi. Il est basé sur la compréhension. Le but de cet enseignement est de développer notre esprit sur le sentier spirituel. Ce qui est important c’est ce que nous expérimentons et non ce que nous croyons. L’esprit peut se développer de manière logique et rationnelle, par exemple par les mathématiques, pour fabriquer des armes nucléaires, etc., et sans le recours à la spiritualité il peut en fait faire de l’être humain un prédateur destructeur et dangereux. En revanche, dans la spiritualité, l’esprit peut faire de l’homme un être parfait. Le Bouddha, par ses iddhis (pouvoirs surnaturels), était apparu en un instant de pensée dans le monde céleste de Tavatimsa-loka, un des 26 mondes supérieurs au monde humain.

 

Quels sont ces iddhis :

 

iddhivida : apparaître en personne dans n’importe quel lieu de l’univers matériel, mais aussi dans les mondes célestes.
dibba sota : l’oreille divine qui permet d’entendre tous les sons dans l’univers.
paracitta vijanana : Connaître les esprits des autres.
pubbenivâsanusati nana : la connaissance des existences antérieures.
dibbacakku : l’œil divin permettant de tout voir à distance dans l’univers matériel, mais aussi dans les mondes spirituels.

 

Le mot bhâvanâ signifie en anglais méditation et en français méditation, mais ce n’est pas la vraie signification de ce mot. La vraie signification du mot bhâvanâ est bhâveti ti (faire un travail pour développer les quatre états sublimes, la concentration, la sagesse, l’énergie, la confiance, la joie et le calme, la paix, la sérénité, l’établissement de l’esprit et de la connaissance, etc.). Et aussi la méditation nous permet de contrôler nos désirs sensuels, la haine, l’illusion, le mécontentement, la colère, la malveillance, etc. Avec la méditation, nous pouvons comprendre le caractère impermanent de toutes les formations conditionnées, les sankhara et les cinq agrégats d’appropriation, les panca-khandha (rûpa, vedana, sanna, sankhara, vinnâna). La souffrance ordinaire de la vie humaine de tous les jours dans le Samsara, nous pouvons la comprendre, mais la souffrance inhérente aux cinq agrégats, elle n’est compréhensible que par la méditation.

 

Il existe deux sortes de méditations dans le Bouddhisme, samatha bhâvanâ et vipassanâ bhâvanâ.
samatha-bhâvanâ, la méditation du calme mental et du samâdhi (concentration mentale), purifie l’esprit, mais elle ne permet pas de réaliser des degrés de sagesse (panna). Il existe quarante objets de méditation samatha. Avec le samâdhi (concentration) nous pouvons développer certains jhâna (absorptions mentales), des états de concentration si profonds que le méditant perd conscience du monde extérieur. Il existe quatre rûpa-jhâna (avec formes) et quatre arûpa-jhâna (sans formes).

 

Ces Jhâna peuvent être expérimentés par les adeptes d’autres traditions spirituelles ou religieuses, mais ces derniers les identifient imaginairement comme étant le Divin, Dieu, une âme divine, le Soi, etc. alors que le Bouddha est celui qui a eu l’intuition géniale de percevoir leur caractère impermanent et non éternel. Ceci dit les Jhâna ne sont pas une étape obligatoire pour réaliser Nibbâna. En revanche, ils sont un apport précieux pour cultiver la concentration juste (samma samâdhi), un des huit facteurs du Noble Sentier Octuple (ariyo atthangika maggo). 

 

À l’époque du Bouddha et même avant lui, la méditation samatha était pratiquée de façon soutenue par certains cercles d’ascètes. Ce n’était pas une pratique forcément bouddhique. Le prince Gautama Siddhartha, après avoir quitté son palais, s’est enquis de recevoir des enseignements de méditation samatha auprès de maîtres populaires de son époque. Ceci dit les méthodes samatha, bien que d’origine non-bouddhique, n’ont jamais été exclues, ni par Bouddha, ni par les écoles bouddhiques dans l’histoire de cette tradition. Pour développer la méditation vipassanâ, l’énergie et la concentration mentales développées par les pratiques samatha peuvent s’avérer être des atouts très précieux. En effet, un méditant qui a réalisé un ou plusieurs jhâna a un samâdhi (concentration) très soutenu et très fort pour cultiver samma sati (l’attention en pleine conscience juste).

 

Mais nous devrions toujours nous rappeler à l’esprit que Gautama Siddhartha, avant de réaliser l’éveil, s’est séparé de ses deux maîtres Alara Kalama et Udakkarama avec qui il avait réalisé les 3ème et 4ème jhânas sans forme, les niveaux spirituels ultimes dans la sphère de la méditation samatha. En effet, Gautama Siddharta considéra que ce n’était pas la méthode qu’il cherchait, car ce à quoi il aspirait c’était une méthode pour éradiquer toutes les souillures et souffrances du mental. En fait, il cherchait la méthode définitive pour mettre un terme au Samsara. C’est pour cela qu’il abandonna toutes les méthodes traditionnelles qui étaient en vogue à son époque. Après avoir quitté ses deux maîtres de samatha, il essaya les méthodes ascétiques extrêmes pendant six longues années, mais il échoua dans sa quête avec à la fin un corps torturé et un mental affaibli. Il comprit que les pratiques ascétiques de mortification extrême ne conduisaient pas à Nibbâna. Finalement, il découvrit la méthode vipassanâ de purification de soi par l’introspection intuitive dans la réalité des phénomènes mentaux et matériels tels qu’ils sont.

 

Cette méthode avait été appliquée par tous les Bouddhas qui avaient précédé Gautama Siddhartha et elle n’est pas un exercice mystique, mais elle invite chacun d’entre nous à développer la sagesse et la vision pénétrante dans la réalité par ses propres efforts sans l’intervention surnaturelle d’un être divin. Chaque Bouddha du passé, du présent et du futur applique cette méthode afin de comprendre la réalité par lui-même. Dans l’enseignement on peut aisément accéder aux conseils spirituels qui permettent de développer cette voie. Dans le Dîgha-nikâya (N°22) et le Majjhima-nikâya (N°10), le Bouddha a enseigné le discours sur l’établissement de l’attention (Satipatthana-sutta). Ce sutta est peut-être la force motrice spirituelle la plus importante dans les sociétés bouddhiques Theravada et il est fréquemment récité par les moines aux chevets d’un mourant, sur l’invitation des laïcs. Au cas où il s’agisse d’un moine, le Satipatthana-sutta est récité pendant toute la période intermédiaire entre son trépas et son incinération.

 

Ce long sutta est significatif pour une bonne compréhension de l’existence humaine. En fait le méditant est encouragé à appliquer la note mentale sur les apparitions et disparitions de sa respiration (inhalation et exhalation) et toutes les actions physiques de la vie quotidienne comme s’asseoir, se tenir debout, marcher et s’allonger. C’est ainsi que le vipassana yânika, celui qui emprunte la voie de vipassanâ, pratique samma sati. Une des pratiques salutaires consiste à analyser les 32 impuretés du corps physique afin de réaliser à quel point notre corps est répugnant et s’en détacher.

 

La pratique de samatha, la concentration profonde donnant lieu au calme mental, nous équipe d’un outil précieux afin de prendre conscience de tous les phénomènes de notre corps par la pratique de anapanasati, la pleine conscience de la respiration. Dans la méditation samatha aussi la respiration peut être prise et choisie comme objet. La respiration par la suite peut devenir, car elle est la chose qui nous est la plus naturelle dans le monde, un objet de méditation vipassana. Dans la pratique de vipassanâ on conscientise en la spiritualisant la respiration. 
 
Dans le Mahasatipatthana Sutta, il nous est expliqué quelle posture de méditation doit être adoptée. Un moine, c’est-à-dire un bhikkhu, allant dans un lieu solitaire, se rend dans une forêt, au pied d’un arbre, s’assit les jambes croisées avec le dos droit, sans effort musculaire, commence à méditer depuis les plantes de son pied jusqu’au sommet de la tête. Il examine ainsi attentivement le corps et les quatre éléments qui sont pathavi-dhatu (l’élément terre), apo-dhatu (l’élément eau), tejo-dhatu (l’élément feu) et vayo-dhatu (l’élément air). D’après le système de méditation vipassanâ du maître birman défunt Mahasi Sayadaw, quand on observe les mouvements ascendant et descendant de l’abdomen, l’aspect de rigidité musculaire et de solidité du mouvement est pathavi dhatu, l’aspect cohésif et fluide du mouvement est apo dhatu, l’aspect de chaleur ou de froideur du mouvement est tejo dhatu et l’aspect de mouvement dans l’espace de l’abdomen est vayo dhatu.
 
Mahasi Sayadaw avait cette idée sur la note mentale des mouvements de l’abdomen, car cette partie du corps que l’on ressent aisément peut idéalement être prise pour objet d’observation. Ceci dit, cette méthode n’est pas enseignée et préconisée dans le Maha Satipatthana Sutta. Dans le Maha Satipatthana Sutta, c’est la respiration que l’on peut ressentir dans la totalité du corps qui est notée mentalement. Il s’agit de bien noter si la respiration est courte, longue, etc. C’est l’attention en pleine conscience qui est le facteur décisif quant au succès de la pratique.
On observe le corps intérieurement et extérieurement, les moines du temps du Bouddha étaient même encouragés à se rendre dans des charniers afin d’observer les cadavres en décomposition.
 
Le Bouddha conseilla aussi d’observer et de noter les sensations agréables et désagréables pendant la méditation. Ceci est particulièrement important au cas où des sensations de douleur apparaîtraient chez les Yogis en raison de la posture assise. Il faut aussi bien observer les émotions négatives telles que la colère, la haine ainsi que les panca nivarana (les cinq entraves) qui sont kama chhanda (désirs sensuels), vyapada (colère), thina midda (inertie et torpeur), uddhacca kukucca (agitation et remords) et viccikicca (doute). Quand ces facteurs mentaux apparaissent et disparaissent il est impératif de les noter correctement. Le moine au même titre que le laïc peut observer l’apparition et la disparition des agrégats qui sont l’agrégat de la matière (rupa khandha), l’agrégat des sensations (vedana khandha), l’agrégat des perceptions (sanna khandha), l’agrégat des formations volitives (sankhara khandha) et l’agrégat de la conscience (vinnana khandha). Le Bouddha a en effet enseigné que tous les agrégats de l’appropriation sont souffrance « pancupadanakhandha dukkha ».
 
Le Bouddha nous a aussi conseillé d’observer les six portes sensorielles du goût, des odeurs, des sons, des formes, des sensations tactiles et des pensées. Enfin il y a les satta bhojjanga, les sept facteurs d’éveil qui apparaissent et disparaissent. Les sept facteurs d’éveil sont sati (l’attention en pleine conscience), dhamma vicaya (investigation dans les dhamma), viriya (énergie), piti (ravissement, joie), passadi (tranquillité), samâdhi (concentration) et upekkha (équanimité). 
   
Quand on commence à pratiquer ces méditations avec la pleine conscience, pendant 5 ou 10 minutes, des douleurs corporelles et difficultés apparaissent. Focaliser le mental sur un objet fixe et précis n’est guère une tâche aisée, car l’esprit vagabonde d’objet en objet. L’attachement aux choses du passé se manifeste aussi. Alors il faut revenir sur l’objet de méditation du départ et essayer d’affermir le samâdhi (concentration).

 

Nous vous encourageons à progresser dans votre pratique et surtout à ne pas vous décourager si des difficultés de concentration apparaissent, car l’esprit fluctue naturellement et il est aussi difficile à dompter qu’un singe qui saute de branche en branche. Le Satipatthana, l’établissement de l’attention, constitue l’unique voie vers l’éveil définitif et la libération de la souffrance que nous pouvons emprunter. Puissiez-vous réaliser Nibbâna idéalement dans cette vie ou dans une autre.

 

Sadhu ! Sadhu ! Sadhu !

 

 

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 Samadhi Bouddha Statue - Anuradhapura - Sri Lanka  IV-Ve Siècle